Annoncée par Jacob Zuma au cours de la conférence de presse d’ouverture du sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) le 26 mars, la mort de treize soldats en République centrafricaine (RCA) a créé un nouveau traumatisme au sein de la population. Ce drame est considéré comme un « fiasco » dans le pays et a attiré au président sud-africain de nouvelles critiques et accusations dont il n’avait pas besoin.
Quelques jours plus tôt, le 22 mars, il avait reçu « en urgence » François Bozizé, président centrafricain aux abois. Il réaffirmait la présence des 400 soldats sud-africains en Centrafrique déployés en janvier et confirmait leur mission d’« aider » à instaurer la paix et de former l’armée de ce pays. Cela en vertu d’un accord de coopération (de « protection », disent certains à Pretoria) de 2007, reconduit fin 2012, alors que les rebelles de la Séléka, considérés par Zuma comme des « bandits », étaient aux portes de Bangui.
Tous les témoignages, aujourd’hui, confirment que les forces armées sud-africaines (SANDF) envoyées à l’insu du Parlement combattaient aux côtés de celles de la RCA. Cette intervention hors de la zone de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) n’avait pas reçu l’accord du Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine. De même que l’Afrique du Sud a totalement ignoré le processus de paix mis en place par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) qui exigeait, entre autres, le retrait de toutes les forces étrangères de Centrafrique.
C’est du Syndicat national des forces armées sud-africaines (SADFU) que sont venues les premières critiques. « Le président aurait dû retirer nos troupes au moment même où Bozizé a déshonoré ses obligations et cet accord [celui de la CEEAC] aurait dû être le signal du retrait de nos soldats de ce pays », a déclaré Pikkie Greeff, son secrétaire général. En outre, selon un rescapé de l’attaque des Séléka, menée par 3 000 hommes contre 200, les unités sud-africaines sur place demandaient depuis un mois des munitions dont ils étaient à court, sachant que la confrontation avec les rebelles était inévitable et imminente. « On nous a répondu que les rebelles ne viendraient pas, que ce n’était que de la politique. C’est pour ça que nos soldats sont morts ! » S’il n’y a pas eu plus de victimes, c’est grâce à l’intervention des parachutistes français, explique ce témoin dont les propos ont été ensuite confirmés par d’autres soldats rescapés. Néanmoins, selon plusieurs sources, le nombre des victimes serait beaucoup plus élevé.
À la suite du rapport des SANDF et de ses zones d’ombre, l’opposition, notamment l’Alliance démocratique (DA), a demandé une enquête parlementaire. « Les soldats semblent avoir été laissés sans soutien militaire. Nous devons savoir pourquoi les SANDF ont été déployées en RCA, comment sont morts les treize soldats. Finalement, la décision du président Jacob Zuma de déployer les SANDF en RCA – en réalité pour soutenir François Bozizé – a été un désastre complet », écrit David Maynier, le porte-parole de DA, dans une lettre à son homologue de l’Assemblée nationale Max Sisulu, auquel il demande de mettre en place une commission multipartite ad hoc d’enquête.
La question centrale reste donc : pourquoi les soldats sud-africains se battaient-ils pour une cause aussi trouble ? Ils auraient été très bien payés par Bozizé, selon certaines rumeurs ministérielles centrafricaines. Mais la présence sud-africaine en RCA aurait aussi pour objectif de « protéger les intérêts » du pays, comme l’a confirmé Jacob Zuma, sans préciser, comme certains le disent, qu’il s’agit d’intérêts d’affaires et miniers non étrangers à certains membres dirigeants de l’ANC (voir encadré)… Une enquête devrait faire toute la lumière. En est-on si sûr ? « Le problème en Afrique du Sud, c’est que tout le monde veut diriger le pays. Il faut considérer aussi que les questions et les décisions militaires ne sont pas des questions à discuter en public », a déclaré Jacob Zuma dans son allocution de condoléances aux familles, ne laissant espérer aucune transparence sur cette affaire. Comme il l’a fait pour tant d’autres auparavant.