Le bombardement du bureau de Kadhafi, à Tripoli, n’obéissait pas à la stratégie de protection des civils, mais bien à une volonté de renverser le régime.
En bombardant le bureau de Kadhafi dimanche 24 avril à Tripoli, l’OTAN a-t-elle cherché à éliminer le dirigeant libyen ? Sans doute. Car en quoi une telle opération est-elle de nature à « sauver la population civile des massacres », comme le prévoit l’ONU ? Certes, le général canadien Charles Bouchard, commandant de la mission de l’Alliance atlantique en Libye s’en défend mais sans convaincre. « En ce qui concerne l’opération que nous avons menée à Tripoli, je réitère notre position : nous ne visons pas les individus, nous ne cherchons pas à renverser un régime », a-t-il affirmé. « Notre objectif, a-t-il ajouté, est de mettre fin à la violence contre la population, c’est de combattre les troupes qui s’en prennent à la population ». Pourquoi donc s’en prendre à une telle cible ? Pour le général Bouchard, ce raid visait un centre de communications, un centre qui servait à coordonner les attaques contre des civils (sic !).
Il s’agit sans doute d’un tournant dans la guerre contre la Libye. C’est ce qui a amené la Libye à demander, via la Russie, une réunion urgente du Conseil de sécurité de l’Onu pour condamner cette dérive. S’agit-il de torpiller la médiation de l’Union africaine pour amener les deux parties à négocier une sortie pacifique du conflit ? Beaucoup le pensent. Sans répondre favorablement à la demande de Tripoli, le premier ministre russe, dont l’opposition aux bombardements est notoire, a commenté le jour même cette dérive par ces propos : « Ils disaient qu'ils ne voulaient pas tuer Kadhafi. Maintenant certains responsables disent oui, nous cherchons à tuer Kadhafi. Qui a autorisé cela, y a-t-il eu un quelconque procès ? Qui s'est arrogé le droit de tuer cet homme ?, s'est emporté le premier ministre russe lors d'une visite au Danemark.?Selon lui, les bombardements menés sous l'égide de l'Otan sont « contraires aux résolutions du Conseil (de sécurité de l'Onu 1970 et 1973) et violent les lois et conventions internationales ». Il a ainsi endossé implicitement la position officielle libyenne qui estime que « le raid ayant détruit le bureau du colonel Kadhafi dimanche soir était une tentative d'assassinat du Guide. »??Dans la même lignée, l’Algérie, pays limitrophe de la Libye, a marqué sa divergence avec les pays occidentaux et certaines monarchies du Golfe, en déclarant, par la bouche de son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, que le « départ de Kadhafi ne doit pas être un préalable à une solution politique.
Face à l’enlisement de l’Otan dans les sables libyens, Sarkozy n’a pas réussi à entrainer Berlusconi, qu’il a rencontré ce mardi 26 avril, dans sa stratégie offensive. Outre la question sensible de l’immigration clandestine, le Premier ministre italien a tenu à marquer subtilement sa divergence avec son hôte français. Il a déclaré que l’Italie allait « accroître la flexibilité opérationnelle de ses avions » en autorisant des actions contre des « objectifs militaires ponctuelles et ciblées » en territoire libyen. En précisant que ces actions seraient menées « dans le but de protéger la population civile, et quand elles pourront exclure avec certitude la possibilité de provoquer des dommages à la population civile ». « Il ne s’agit pas de bombardements contrairement à ce qu’annonçait la presse italienne ce matin », a-t-il insisté. Jusqu'ici, Rome mettait à la disposition de l'Otan plusieurs bases aériennes ainsi que huit avions pour des missions de reconnaissance et de surveillance mais ne voulait pas participer à des attaques contre les forces de Mouammar Kadhafi, en raison de son passé colonial avec le pays. Mais face à la menace d'enlisement, Paris et Londres ont exhorté récemment leurs alliés à muscler leur participation aux opérations. « Nous avons senti que nous ne pouvions plus nous y soustraire », a ajouté l’Italien. Nicolas Sarkozy s’est logiquement « réjoui » de cette décision. Sans trop y croire.