Le conflit avec la Libye, permet aux Américains de constater les dégâts faits par les services secrets américains pendant la guerre d’Irak
Le conflit avec la Libye, permet aux Américains de constater les dégâts faits par les services secrets américains pendant la guerre d’Irak, lorsque le président Bush vira des officiers et des agents de la CIA qui critiquaient sa politique de guerre. Pour ma part, j’ai été frappée par le Patriot Act et jetée en prison dans une base militaire du Texas, tandis que les dirigeants républicains réinventaient toute l’histoire de mon travail sur le 9/11 (attentat des Twin Towers le 11 septembre 2001, NdT) et sur le renseignement sur l’Irak d’avant-guerre. Pas très agréable. Les conséquences sur la collecte de renseignements et en termes de politique, ne le sont pas non plus. La semaine dernière, le président Obama a fait preuve de la plus étonnante ignorance en déclarant que la Libye – entre autres pays – était liée au terrorisme. Obama essayait de justifier la guerre de l’OTAN contre le gouvernement de Kadhafi. Cependant, son argumentation a mis en évidence des énormes trous dans la base de renseignements sur laquelle son Administration s’est fondée.
Cette fois, ce n’est pas la faute d’Obama. Lorsque les agents ont été renvoyés par Bush et Cheney, une quantité importante d’informations est partie avec eux. La bonne nouvelle est que ces trous peuvent être remplis rapidement et nous pouvons donner un coup de frein à cette guerre libyenne immédiatement – tout comme nos alliés français sont en train de le faire en ce moment. Vraiment, ce n’est pas sorcier.
Kadhafi n’a pas de lien avec le terrorisme
Oubliez la comédie de la semaine dernière. Kadhafi est apparu sur les hyperboles, a réuni des centaines de milliers de Libyens à Green Square, et menacé de porter la guerre contre l’OTAN en Europe. Mais il n’y a aucun canon derrière ce bruit de botte. Après trois mois de bombardements de l’OTAN qui ont touché des maisons, la célèbre université Nasserà Tripoli, le Musée nationale, des bureaux, des hôtels et des restaurants, c’était pour Kadhafi, une façon de demander à l’Europe si elle aimerait être à la place de la Libye.
Kadhafi n’a pas de lien avec le terrorisme. En 1995, il a été le premier dirigeant au monde à donner des informations à Interpol sur Oussama Ben Laden. L’Égypte a émis le premier mandat d’arrêt en 1996. Mais la Libye fut la première à informer sur le programme de Ben Laden. Je sais de façon certaine qu’Oussama et Kadhafi se détestaient car Kadhafi soutient une version socialiste de l’Islam avec un accent très fort sur les droits des femmes et la modernité. Les fondamentalistes – y compris les rebelles libyens – ne considèrent pas Kadhafi comme un « vrai musulman » pour cette raison. Kadhafi est trop modéré à leur goût religieux – une chose que le président Obama devrait prendre en considération avant de signer un chèque en blanc aux rebelles libyens.
Quant à financer le terrorisme, Kadhafi a expulsé les terroristes des sanctuaires à la frontière libyenne l’été 1998 à 1999. C’est à ce moment-là qu’Abou Nidal a dû déménager à toute vitesse en Égypte et en Irak. Des terroristes moins connus ont disparu dans le désert. Comment je le sais? Parce que c’était ma mission, elle avait commencé en 1995. Ce fut un très grand succès qui marqua une évolution dans les efforts de la Libye pour construire des relations meilleures avec les États-Unis et les nations méditerranéennes.
L’attentat de Lockerbie
Ceux qui détestent Kadhafi aiment utiliser Lockerbie pour rappeler aux Européens et aux Américains le passé noir de la Libye, il y a longtemps. En mars 1999, après sept années de sanctions de l’ONU, le gouvernement de Kadhafi a livré deux Libyens pour le procès concernant l’attentat du PanAm 103, qui explosa sur la ville de Lockerbie, en Écosse, le 21 décembre 1988. Néanmoins, Kadhafi a nié radicalement toute implication dans le complot Lockerbie.
Comme dans de nombreuses affaires de terrorisme, les apparences de la culpabilité de la Libye se sont avérées trompeuses. Deux témoins à charge de premier choix ont aujourd’hui retiré leur témoignage et avoué avoir reçu 4 millions de dollars chacun des États-Unis et de la Grande-Bretagne. C’est un vilain accroc sur la toge du Tribunal pénal international. La bonne nouvelle pour ceux qui recherchent la vérité est que, la semaine dernière, la Commission « Justice » du Parlement écossais a décidé de lancer une nouvelle enquête sur l’affaire Lockerbie. « Il y a tellement de théories du complot, a déclaré Christine Grahame, que je pense qu’il est temps que nous ayons un regard clair et propre sur la justice écossaise. La question est de savoir si Abdelbaset al-Megrahi a été condamné à juste titre, et nous n’avons pas de réponse à ce jour. »
Cette décision devrait être fortement applaudie par tous ceux qui se font les champions de l’intégrité en matière de surveillance du gouvernement. Si les dirigeants américains montraient la même préoccupation pour le réexamen du dossier 9/11, ils feraient un grand pas dans le rétablissement de la confiance en notre gouvernement.
En fait, il y a de nombreuses pistes pour poursuivre l’enquête écossaise. La Commission Justice pourrait commencer par ouvrir la déposition de mon propre superviseur à la CIA, le Dr. Richard Fuisz, faite sous serment au tribunal américain du district de Virginie, lors des derniers jours du procès Lockerbie. Elle contient quelques informations qui en mettraient plein la vue, c’est sûr.
Lors de ma première rencontre avec le Dr. Fuisz, en septembre 1994 – et tout au long des années passées ensembles – il me donna la véritable version sur Lockerbie. Il a juré que le PanAm 103 était une fausse opération pour camoufler l’implication d’une équipe de la CIA véreuse dans un trafic d’héroïne depuis la vallée de la Bekaa, pendant la crise Terry Anderson, otage séquestré au Liban.
Le Dr. Fuisz a expliqué que quand l’officier des services de renseignement de la Défense, le Major Charles Dennis McKee, et celui de la CIA, Matthew Gannon, stationnés à Beyrouth, s’étaient plaints qu’un agent double compromettait les efforts pour récupérer les otages, la CIA et le FBI avaient envoyé une équipe au Liban pour une enquête. Les enquêteurs revenaient à Washington par le vol PanAm 103 avec les preuves du trafic d’héroïne lorsqu’une bombe avait explosé dans l’avion. Bizarrement, peu avant, le Département d’État avait diffusé une alerte interne prévenant les ambassades américaines que le vol PanAm 103 serait la cible d’un attentat ce jour-là, et que tout le monde devait quitter l’avion. L’exode soudain du personnel gouvernemental a libéré des sièges pour des étudiants de l’université de Syracuse, qui revenait chez eux pour les vacances de Noël. Les étudiants sont morts.
Le Dr. Fuisz n’a cessé de jurer qu’il pourrait identifier chaque terroriste impliqué dans l’attaque. Du fait de son haut grade dans la hiérarchie de la CIA, on lui a interdit de parler publiquement sur son rôle dans les événements qui ont conduit à l’attentat. Durant les années 1990, on l’a menacé à plusieurs reprises d’un emprisonnement de dix ans s’il brisait le silence.
Imaginez, ensuite, les efforts herculéens que j’ai dû faire pour obliger la CIA à permettre au Dr. Fuisz de témoigner à huis-clos en face du juge White, en Virginie. Dans le processus, je me suis fait des tas d’ennemis au Département de la Justice qui ont prouvé qu’ils n’avaient pas la mémoire courte lors de ma condamnation de cinq ans au nom du Patriot Act. Mon désir d’appeler l’attorney de l’affaire Lockerbie, Edward MacKechnie, comme témoin principal pour prouver ma relation avec le Dr. Fuisz, et ma position d’agent de renseignement a joué un rôle significatif dans la bataille que le Département de la Justice a mené contre ma demande de procès. Un procès aurait réouvert les questions sur les condamnations des Libyens et sur la responsabilité de la Libye. Il aurait aussi montré le rôle permanent de la CIA dans le trafic d’héroïne pour financer les opérations sales des années 1990.
La CIA se battait pour se protéger. Lorsque mes efforts ont abouti et que l’agence a été obligée d’autoriser l’affaire à avancer, elle a stipulé que la déposition du Dr. Fuisz devait être scellée aux États-Unis de façon à ce que les Américains ne connaissent en aucun cas l’existence de ce témoignage et de son contenu. Selon ses mots, dans la déposition, il y a un double scellé qui contient une liste de onze noms de conspirateurs de Lockerbie et une carte indiquant des éléments du complot.
Ce serait dans le plus grand intérêt de la justice écossaise d’ouvrir ce double scellé et de réexaminer la déposition dans sa totalité. Alors, il pourrait être décidé d’assigner à nouveau le Dr. Fuisz à comparaître pour répondre à de nouvelles questions. Cependant, il existe déjà un ensemble substantiel de preuves que les juges écossais n’ont jamais examinées. Si les familles écossaises veulent la vérité et la justice dans l’affaire Lockerbie, c’est la meilleure façon de procéder. Pour le reste, il n’y a rien à craindre. Le bras de Kadhafi n’atteint pas l’Europe. Il n’a aucun lien avec le terrorisme, quel qu’il soit.
Al Qaeda en Libye – des vidéos sur les crimes de guerre
On ne peut pas en dire autant sur les rebelles de l’OTAN. Allez sur le site www.obamaslibyan.com et voyez par vous mêmes. Des vidéos faites par des réfugiés libyens avec leurs téléphones montrent une violence sauvage identique à celle d’al Qaeda, perpétrée par les Rebelles de l’OTAN. Ce n’est pas surprenant étant donné que de nombreux rebelles proviennent des guerres en Irak, Afghanistan, Tchétchénie et Balkans. Ils amènent avec eux une cruauté extrême. Leurs actions contredisent radicalement l’image que l’OTAN diffuse sur CNN et Al Jazeera pour obtenir l’aide militaire américaine.
– Les rebelles de l’OTAN ont été filmés en train de décapiter des soldats loyalistes. Nous avons reçu une nouvelle vidéo de la famille d’un homme décapité prouvant qu’il s’agissait bien de la Libye (et non de l’Irak, comme certains l’ont dit) et montrant la réaction de la famille à ce crime haineux.
– Une vidéo montre des rebelles de l’OTAN découpant les corps de soldats morts et obligeants des prisonniers à les manger.
– Ils coupent régulièrement la gorge des prisonniers en contravention avec les Conventions de Genève.
– Les rebelles utilisent aussi la castration et la sodomie pour punir les jeunes gens qui refusent d’adopter leur cause.
Les vidéos sont mises en ligne par www.federaljack.com . La police fédérale les a enlevées une fois, mais Federal Jackfait son possible pour les garder en ligne. Si elles disparaissent pendant quelques jours, elles seront tôt ou tard remises en ligne. Les membres de Federal Jackn’ont pas peur de dire la vérité au pouvoir. Et c’est ce qui se passe. Nous nous engageons à tirer les sonnettes d’alarme et à montrer qui sont ces rebelles.
L’opposition en Libye, c’est Al Qaeda. Après avoir travaillé dix ans contre le terrorisme, je ne suis pas prête à accepter cela tranquillement. En tant qu’ex-agent, ce serait totalement irresponsable de ma part. Mais, vraiment, tous ceux qui s’opposent aux actes de violences devraient se sentir obligés de s’exprimer contre des crimes de guerre si horribles et perpétrés contre toute la population. Que l’OTAN lance une « guerre humanitaire » au nom d’un groupe aussi sauvage que les rebelles libyens, m’interpelle.
Les familles libyennes sont en colère. Elles accusent l’OTAN. Les chefs tribaux en Libye envisagent de demander réparation aux gouvernements de l’OTAN pour indemniser les familles libyennes des crimes de guerre commis par les rebelles. Remplacer Kadhafi peut satisfaire les Britanniques et la France. Mais payer des dommages est une exigence pour la Libye. L’OTAN serait bien avisé de suivre les pas de la France et d’arrêter les bombardements immédiatement, en reconnaissant qu’elle a été trompée par les rebelles.
Les destructions matérielles sont déjà estimées à 2,8 milliards de dollars, selon Patrick Haseldine, un expert du conflit Libye-OTAN. Et le coût augmente chaque jour. Le ministère libyen de la Santé a réuni des statistiques sur les morts et les blessés civiles victimes des bombardements de l’OTAN du 19 mars au 27 juin. Les chiffres sont confirmés par le Croissant Rouge (version musulmane de la Croix Rouge), et l’université Nasserde Tripoli. Pendant les premiers 100 jours de bombardements, 928 adultes ont été tués et 4411 blessés, 141 enfants ont été tués, 641 blessés. 655 personnes gravement blessées sont encore hospitalisées, 4397 sont soignés dans leur famille.
Dernière chance pour la Classe moyenne
Les Américains ayant passé dix années à combattre Al Qaeda en Afghanistan et en Irak, cette duperie est impardonnable pour les nations qui se disent « alliées » des États-Unis. En tant qu’ex-agent qui travaillait dans l’anti-terrorisme, je suis folle de rage. L’OTAN a trompé activement le président Obama et abusé de la confiance des Américains. Il ne fait aucun doute que la guerre contre la Libye va toucher les contribuables de la Classe moyenne américaine dont on attend qu’elle finance cette débâcle de l’Impérialisme européen.
Le président Obama a hérité de deux guerres catastrophiques du président Bush qui saignent à blanc le Trésor américain. Si les États-Unis s’engagent dans une guerre avec la Libye, l’Amérique est sûre de perdre encore 20% de la Classe moyenne, qui se bat déjà contre les pertes d’emplois et les menaces de saisie. C’est une période effrayante pour beaucoup de familles. Si le Président Obama persiste, il ne fera pas preuve d’un meilleur jugement que George Bush.
La bonne nouvelle est qu’il n’y a aucune raison pour que l’action militaire américaine aille plus avant. Obama peut arrêter la guerre contre la Libye maintenant, comme en France.
Vraiment, ce n’est pas sorcier.
12 juillet 2011
* Susan Lindauer est une ancienne assistante parlementaire et agent de la CIA aux Nations unies lors des négociations sur l’affaire Lockerbie impliquant la Libye. Elle est l’auteur de Extreme Prejudice: The Terrifying Story of the Patriot Act and the Cover Ups of 9/11 and Iraq. (Préjudice extrême : l’histoire terrifiante du Patriot Act et de l’opération de camouflage du 9/11.
Traduit de l’anglais par Christine Abdelkrim-Delanne