Charles Beigbeder, président d’Annecy 2018, expose les avantages de confier à Annecy l’organisation et le déroulement des jeux olympiques d’hiver 2018 sur le plan du développement durable et de la protection de l’environnement, autant de données aisément exportables pour les sessions suivantes. Dans sa démarche, il a besoin du soutien des pays arabes.
Pourriez-vous nous présenter Annecy : géographie, culture, spécificités ?
Annecy est le chef-lieu de la Haute-Savoie, au cœur des montagnes, à 40 km de Genève, 140 kilomètres de Lyon et 100 km de Chamonix. Elle est à proximité des aéroports de Genève et de Lyon Saint-Exupéry. Sa population est de 50 000 habitants, 209 000 avec son agglomération. C'est une ville marquée par une histoire et un passé très riche mais qui possède également un tissu économique dense, notamment dans le secteur de l'industrie des sports et des loisirs.
Un des plus beaux atouts d'Annecy est son lac, le plus pur d'Europe, qui lui vaut le surnom de Venise des Alpes.
Elle est très marquée par sa culture savoyarde (la Savoie a été rattachée à la France il y a 150 ans), son patrimoine et son art de vivre. C'est une terre de sport, de loisirs mais aussi de gastronomie à l'image d'un chef comme Marc Veyrat qui a contribué à la renommée de son art culinaire.
Le territoire de Savoie Mont Blanc est la première destination touristique hivernale avec 7 millions de visiteurs. C'est aussi une terre de champions dans les sports d'hiver avec, entre beaucoup d'autres, des athlètes comme Antoine Dénériaz, Guy Périllat mais aussi de sports d'été puisque le sprinteur Christophe Lemaitre ou la cycliste Jeannie Longo sont originaires de la région.
Pourquoi Annecy ?
Notre région a été façonnée et guidée par l’Olympisme. Les Premiers Jeux Olympiques d’hiver organisés par Chamonix en 1924, ont marqué le point de départ du développement des sports d’hiver dans les Alpes françaises, qui est devenue aujourd’hui la première destination touristique pour les sports d’hiver. Aujourd’hui, nous voulons réunir le riche patrimoine des Alpes et le pouvoir des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver pour assurer un développement durable à nos montagnes, pour les générations futures. Cet héritage s’applique à la France mais également au monde entier. Les Jeux seront un catalyseur vers un nouveau modèle de développement de nos montagnes – respectueux de l'environnement.
Annecy 2018, ce seront des Jeux « au cœur des Montagnes, conçus avec les athlètes et tournés vers l’avenir ».
Il y a une réelle volonté de faire venir les Jeux en France et nous avons le soutien de tous les milieux sportif et administratif français : le Gouvernement et le Ministère des Sports, le Comité National Olympique et Sportif Français, nos membres français du CIO, les autorités régionales, les entreprises françaises, les athlètes et notre public passionné de sport. Récemment nous avons encore reçu le soutien de six nouveaux sponsors, dont Air France et LVMH, ce qui démontre l'attractivité de notre projet.
Je tiens à souligner que les valeurs de l’Olympisme sont au cœur de notre projet. C'est très important. La France a toujours contribué au développement des valeurs Olympiques, le respect, l'excellence et l'amitié. Ce sont des valeurs essentielles à notre société. En particulier, notre territoire alpin est façonné par l’Olympisme, Annecy est une terre de champions et d’ouverture. Et nous voulons offrir la meilleure caisse de résonnance à ces valeurs, en particulier auprès des jeunes, pour les faire rayonner à travers le monde et auprès de nos millions de visiteurs chaque année. Ainsi nous ne nous contenterons pas d'organiser un exceptionnel événement de 15 jours, nous travaillerons pendant sept ans pour mettre tous les atouts de notre territoire au service du Mouvement Olympique. Nous sommes fiers que les Alpes françaises soient la destination mondiale la plus prisée pour les sports d’hiver. Mais nous sommes également déterminés à faire en sorte que cette position de leader soit mise à profit et participe à la croissance des sports d’hiver, dans le monde entier et pour l’avenir. Comme l'a souligné la Commission d'Evaluation du CIO présidée par Gunilla Lindberg, notre dossier technique est excellent sur de très nombreux points. Cela repose sur une optimisation de tous les atouts qui attirent déjà les meilleurs athlètes mondiaux de sports de glisse – et des millions de visiteurs internationaux – dans notre région chaque année : le paysage magnifique avec en fond le Mont-Blanc, des infrastructures sportives de renommée mondiale, l’accueil chaleureux des populations locales et leur expertise dans les sports d'hiver, nos manifestations culturelles, l’hébergement de qualité, l'hôtellerie et le transport …
Cela est essentiel et nous permettra d'organiser des jeux exceptionnels. Mais nous pensons aussi qu’Annecy peut offrir quelque chose de spécial au CIO. Il s'agit de redonner aux Jeux une taille plus humaine. En effet, Annecy 2018, ce seront des Jeux à la montagne, avec le Mont-Blanc comme arrière-plan. Ce seront des épreuves de neige et de glace réunies, alors que très souvent elles ont lieu dans des villes différentes. Au final, Annecy 2018 sera un projet innovant pour les Jeux d’hiver, qui ouvre la voie de la montagne du 21e siècle, en particulier pour les territoires de montagne et les petites villes à travers le monde qui espèrent accueillir les Jeux un jour. Plus globalement, notre ambition est de contribuer très fortement à renforcer l'intérêt de toutes les populations du monde pour les Jeux d'hiver. Nous pensons ainsi pouvoir aider le CIO à en préserver l'attractivité. En effet les Jeux Olympiques d'hiver sont soumis à une concurrence de plus en plus forte… Celle des multiples centres d’intérêts d’une population mondiale qui a désormais accès à la télévision, à internet, aux jeux vidéo, etc. Pour émerger face à cette concurrence, les Jeux doivent se démarquer, enthousiasmer, et être inoubliables. C’est pourquoi, organiser les Jeux au cœur des montagnes – sur de véritables montagnes offrant un vrai défi sportif – est si important. Annecy et sa région offriront un spectacle sportif et télévisé qui enthousiasmera et inspirera une nouvelle génération.
En résumé, Annecy organisera de vrais jeux authentiques à la montagne, des jeux dont on se souviendra pour l’enthousiasme qu’ils auront créé et pour leur impact sur les jeunes générations à venir. Nous offrirons également une véritable scène afin de promouvoir les sports d’hiver à travers le monde et faire en sorte que les Jeux d’hiver continuent à s’affirmer comme l’un des plus grands événements mondiaux.
Les infrastructures sont-elles suffisantes pour un événement de cette envergure? Quel niveau de nouvelles infrastructures est nécessaire ?
Annecy et la Haute-Savoie sont depuis l'origine des sports d'hiver une terre de compétitions. Les premiers Jeux Olympiques d'hiver ont été organisés à Chamonix en 1924 ainsi que les championnats du monde de ski alpin en 1962. Nous comptons également à notre actif les Championnats du monde de ski alpin de Val d’Isère en 2009. Chaque hiver, de nombreuses Coupes du monde dans toutes les disciplines du ski ont lieu en Haute-Savoie. C'est aussi une région de sports de glace, avec, notamment, des clubs de hockey sur glace de haut niveau, à l'image de celui de Chamonix, trente fois champion de France.
De nombreuses installations sont d'ores et déjà aux normes internationales les plus élevées comme la piste de ski alpin des Houches, à Chamonix, le stade de biathlon du Grand Bornand, les pistes de ski de fond de la Clusaz ou la piste de bobsleigh de la Plagne.
Bien sûr, comme pour toutes les organisations de ce type, il faudra construire des infrastructures, notamment des patinoires, des tremplins de saut à skis où la mise en place du site de freestyle et de snowboard au Semnoz, très belle montagne qui domine Annecy.
Mais ce sont des équipements dont la France a besoin pour être à la hauteur de grande nation des sports d'hiver et de l'Olympisme.
Comment s'inscrit cette candidature par rapport aux questions d'environnement et d'écologie ?
Etant l’un des pays à avoir inventé les sports d’hiver, nous avons le devoir de protéger l’environnement des sports et des stations de sports d’hiver. Nous sommes porteurs d’un projet innovant et durable, destiné à accompagner le développement économique et environnemental des montagnes, à long terme et dans le monde entier… Ainsi, protéger et valoriser le cadre magnifique de la Haute-Savoie et du Mont-Blanc sera un des héritages clés de notre candidature. Nous avons inclus dès le départ de la candidature les groupes d’écologistes et nous continuerons à travailler étroitement avec eux pour nous assurer que nos Jeux d’Hiver sont écologiquement responsables.
Quel usage pour les nouvelles infrastructures dans le futur ?
Notre objectif est, bien entendu, que les infrastructures que nous allons créer aient une vie après les Jeux Olympiques.
Certaines, cependant, comme le site du Semnoz pour le freestyle et le snowboard, ou le théâtre des cérémonies, au bord du lac, seront rendues à leur état initial après les Jeux. D'autres seront reconverties. Enfin, la plupart, notamment les patinoires, seront conservées et largement utilisées.
Annecy 2018 veut laisser un héritage fort, notamment sur le plan sportif. Nous allons créer un pôle d'excellence sportive international afin d'offrir à des sportifs valides et handisports, d'hiver comme d'été, la possibilité de s'entraîner, suivre un cursus scolaire ou universitaire, préparer une reconversion chez nous. La pratique des sports d'hiver est une pratique rendue difficile par le besoin en équipements très spécifiques, en conditions météos adéquates. Nous disposons de tout cela et nous voulons en faire profiter le monde sportif et l'Olympisme.
Alors pourquoi pas, dans les années futures, un champion olympique de ski originaire d'un pays arabe qui aurait été formé, ce serait entraîné chez nous ?
Vous avez présentez ce projet à Doha, quels ont été les réactions de la part des responsables sportifs de la région ?
Excellentes. Nous avons rencontré beaucoup de représentants du monde sportif, et tous ont écouté avec intérêt notre discours. Nous avons aussi et surtout beaucoup écouté leurs conseils et leurs attentes. Il est pour nous très important que notre projet touche tous les amoureux de sport à travers le monde, même lorsque les sports de neige ne sont pas les sports les plus suivis. Plus spécifiquement, notre présence à Doha s'inscrivait dans le cadre de la 9e Conférence mondiale du CIO sur le sport et l'environnement, et le Comité Olympique du Qatar nous a superbement accueilli, je tiens à remercier à nouveau tous les organisateurs. Cette conférence était donc pour nous l'occasion de présenter notre projet en termes de développement durable, qui est une des grandes forces de notre dossier. Et je crois que c'est un point qui est essentiel pour tous les responsables sportifs. Nous avons tous beaucoup à apprendre les uns des autres, afin, au final, de transmettre ces valeurs essentielles aux jeunes générations.
Certains problèmes ont été évoqués à la fin de l'année 2010. Ont-ils été résolus ?
Oui, entièrement ! Il s'agissait d'une étape dans la vie de notre candidature et nous avons su donner immédiatement une nouvelle impulsion pour nous inscrire dans une démarche extrêmement positive et très encourageante. Nous l'avons clairement démontré dès février lors de la visite de la Commission d’évaluation du CIO, puis à la Convention SportAccord en avril, ainsi que lors de tous nos nombreux déplacements à l'étranger. Cela a d'ailleurs été très clairement reconnu dans le rapport du CIO remis ce 10 mai, dont nous sommes très satisfaits. Ce rapport confirme en effet que notre candidature est d’un niveau extrêmement élevé. Il met en évidence notre approche, notre ambition et nous en sommes ravis.
Nous avons une équipe énergique et talentueuse, avec le soutien du Gouvernement, de nos partenaires, et du public. Nous travaillons maintenant activement à la promotion internationale de la campagne, qui nous le croyons, peut mener Annecy vers la victoire lors du vote final en juillet à Durban.
Quelles retombées sur l'économie locale attendez-vous ? Quelle place pour le secteur privé ?
Une récente étude menée par l’Université de Savoie concernant l’impact économique et social des JO sur Annecy et la Haute-Savoie a montré que les recettes engendrées par l’événement s’élèveraient à 3,2 milliards d’euros, dont 1,8 milliard d’euros issu directement des dépenses des Jeux. 20 000 volontaires seront nécessaires dans l’organisation et 17 215 emplois seront créés sur une période de sept ans (2012 – 2018). Dans le cadre de la charte sociale « Annecy 2018 : Jouons ensemble pour l’emploi », les partenaires économiques et institutionnels se sont engagés en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des publics éloignés de l’emploi. La modernisation et l’extension des infrastructures de transport auront un réel impact sur le long terme. En résumé, Annecy 2018 offre à la Haute-Savoie une occasion unique de rayonner dans le monde entier.
Quel soutien peuvent apporter les pays arabes à cette candidature ?
Le mouvement sportif français est très sensible aux efforts déployés avec succès par le monde arabe pour organiser de nombreux évènements sportifs de dimension internationale. Ces initiatives ont donné aux membres arabes du CIO un poids légitimement grandissant à l’intérieur de l’institution. C’est pourquoi nous recherchons leur soutien qui sera tout à fait déterminant. Et nous estimons que les liens historiques entre la France et les pays du monde arabe peuvent contribuer à nous gagner cet appui.