En dépit des défections, des revers militaires et de la perte de l’allié russe, le colonel Kadhafi ne cède pas d’un pouce.
Plusieurs dizaines d’officiers de l’armée régulière libyenne se sont réfugiés en Tunisie en empruntant la voie maritime pour fuir le pays, a-t-on appris auprès de sources sécuritaires tunisiennes. C’est un nouvel épisode dans le délitement du régime du « Guide », entamé avec la défection de son bras droit Moussa Koussa, l’ancien chef des renseignements et ministre des Affaires étrangères, puis de Ali Triki, qui avait la haute main sur les relations avec l’Afrique, et de Ghanem, responsable du secteur des hydrocarbures. L’épouse et la fille de Kadhafi elles-mêmes ont quitté le pays – ainsi que son fil aîné d’un premier lit, Mohammed, et seraient installés en Tunisie, mais l’information, donnée de source tunisienne, a été démentie par Tripoli.
Les coalisés de l’Otan, qui comptent sur ce délitement pour entamer la phase politique de solution de la crise, se sont donné jusqu’à fin juin pour en finir avec le régime installé par Kadhafi il y a quarante-deux ans, après un coup d’Etat contre le roi Idriss Senoussi 1er. La Grande Bretagne, après la France, a décidé d’engager des hélicoptères Apache pour s'approcher plus près de leurs cibles : les colonnes de blindés et de 4X4 munis de canons des troupes régulières, qui se dissimulent parmi la population, rendant plus difficiles des frappes aériennes efficaces sans dommages collatéraux.
La Russie, hostile jusque-là à la campagne militaire occidentale en Libye, a pris acte de la détermination alliée de faire partir le colonel Kadhafi. Moscou a ainsi décidé, à l’issue de la réunion du G8 à Deauville (France), de lâcher Tripoli et de proposer une médiation que le régime libyen, conscient que le glissement russe ne joue pas en sa faveur et lui a fait perdre un allié de poids, a immédiatement récusée. Le président russe Dimitri Medvedev s'était auparavant officiellement aligné sur la position de Washington, Paris et Londres pour réclamer le départ de Kadhafi. "Le monde ne le considère plus comme le leader libyen", a dit M. Medvedev, dont le pays est le principal fournisseur en armes de la Libye.
Le « Guide » met tous ses espoirs dans le plan de paix de l'Union africaine, déjà marginalisé avant l’arrivée à Tripoli du président sud-africain Jacob Zuma pour des discussions sur un éventuel cessez-le-feu, préalable à l’ouverture de négociations politiques.
Sur le terrain, l'Otan a accusé les forces pro-Kadhafi d'avoir posé un champ de mines autour de la ville stratégique de Misrata, pour tenter d'empêcher la population de circuler et reprendre la ville aux rebelles, selon le commandant en chef de l'opération de l'Otan, Charles Bouchard. L'Otan a intensifié depuis quelques jours ses raids aériens sur la capitale libyenne Tripoli, où les troupes régulières ont truffé les toits des maisons de snipers, afin de décourager la population de manifester. Tout rassemblement de plus de trois personnes est interdit. L’approvisionnement de la population se fait sous le strict contrôle des milices pro-Kadhafi.
L’insurrection libyenne a contraint près de 750 000 personnes à fuir, selon l'ONU, et fait des milliers de morts selon le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, qui veut poursuivre M. Kadhafi pour crimes contre l'humanité. Mais, acculé au départ depuis des semaines, frappé par des sanctions et affaibli par des défections, Kadhafi reste inébranlable. « Connaissant l'homme, je ne crois pas qu'il va partir », a déclaré à Deauville le secrétaire général sortant de la Ligue arabe, Amr Moussa.