Il y a vingt ans, les textes réunis ici avaient été publiés dans l’ouvrage Congo-Zaïre. La colonisation – l’indépendance – le régime Mobutu – et demain ? Un point d’interrogation encore sans réponse en 2010, cinquantenaire de la lipanda (« indépendance », en lingala) célébré sur fond d’assassinats politiques, de liaisons dangereuses et de retrouvailles ambiguës (1).
Ces contributions sont d’autant plus d’actualité que le pays de Lumumba peine à sortir du tunnel de la violence, de la prédation et de la tutelle étrangère. Et que les causes sur lesquelles il faut se pencher pour un diagnostic indispensable afin de définir la solution du « mal congolais » aujourd’hui sont exactement celles dont il est question dans ce recueil.
Évoquées dans la version de 1990, ces causes nous mènent de l’établissement de l’« État indépendant du Congo » (ne devrait-on pas s’interroger sur l’usage du mot « indépendant » et de son héritage symbolique dans ce cas de figure ?), propriété personnelle du roi des Belges Léopold II, au processus controversé qui aboutira à l’indépendance du 30 juin 1960, jusqu’aux troubles consécutifs (les rébellions de Mulele et Soumialot) et l’entrée en scène du maréchal Mobutu. Derrière le titre et l’image de couverture emblématiques, se profile une gestion internationale de la crise de l’époque, avec l’Onu et la Belgique en première ligne, qui paraît un triste « remake rétroactif », si l’on peut dire, de la situation actuelle, avec les mêmes acteurs dans les mêmes rôles.
Pertinents et détaillés (avec encadrés, cartes, chronologies, extraits du discours de Lumumba), les textes ont été rédigés par des témoins directs des événements de l’époque. Un avantage certain pour éviter les pesanteurs idéologiques et le regard éloigné de l’analyste auquel le terrain fait cruellement défaut. Ce qui n’empêche pas quelques partis pris, comme dans l’introduction de la très kabiliste Colette Braeckmann (« Verra-t-on jamais rejaillir le feu de l’ancien volcan ? »), où la journaliste belge du Soir attribue les méfaits de l’actuel régime à l’entourage d’un président immaculé. Ou l’affirmation déconcertante de Justin-Marie Bomboko, qui aurait souhaité le maintien de l’administration belge pendant la première période de l’indépendance…
(1) Celles de 2009, avec le Rwanda, ont été davantage dictées
par la raison d’État que par la volonté de résoudre les problèmes
à l’origine de la crise entre les deux pays.
Congo 1960, échec d’une décolonisation, C. Braeckmann, J. Gérard-Libois, J. Vanderlinden, B. Verhaegen, J.-C. Willamen, A. Versaille Éditeur, 160 p., 14,90 euros.