Ancien leader du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), ex-mouvement rebelle de la République démocratique du Congo, rallié à Kinshasa depuis les accords de mars 2009, le général Nkunda est enfermé près de Kigali en violation des normes juridiques internationales. Il a été arrêté par les autorités rwandaises qui l’avaient invité afin de discuter de la participation de son organisation, avec les armées congolaise et rwandaise, à la traque des forces négatives dans l’est de la RDC. Un piège pour l’homme qui dérangeait le pouvoir du président congolais Kabila et ses parrains occidentaux. Plus de deux ans après son enlèvement, nous faisons le point sur cette affaire avec Jean-Paul Epenge, responsable du CNDP en France.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le combat que vous avez mené au CNDP ?
Contrairement à l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo(AFDL) ou au Rassemblement congolais pour la démocratie(RCD), nés à l’étranger, le CNDP est un mouvement fondé au Congo et dirigé par des Congolais. L’une des causes qui nous ont poussés à prendre les armes fut la mauvaise gouvernance du pays. Nous ne pouvions pas concevoir que des pans entiers du pays soient occupés par des forces négatives sous le nez des autorités congolaises et de la Mission de l’organisation des Nations unies en République démocratique du Congo(Monuc) qui, tout en ayant le droit d’utiliser la force, ne réagissait que timidement à ce fléau.
Vous vous battiez aussi contre le tribalisme de ceux qui nient l’existence des Tutsi et des Hutu congolais.
Ce phénomène n’est que manipulation. Les Congolais rwandophones ont toujours vécu chez eux au Congo. Dans le premier gouvernement Lumumba, les portefeuilles des Mines et du Commerce extérieur revenaient à deux d’entre eux : Rudahindwa du parti Reko et Bisukiro du parti Cerea.
Dans quelles circonstances Laurent Nkunda a-t-il été arrêté ?
Le 15 janvier 2009, il y a eu la tentative de limogeage de Laurent Nkunda, orchestrée par le chef d’état-major du CNDP avec le soutien du Rwanda. Ce « coup d’État » ne fut pas suivi par la majorité du CNDP. Sept jours après, Nkunda fut appelé par les autorités rwandaises à Gisenyi pour des pourparlers et y fut arrêté. Prévoyant le traquenard, il avait donné l’ordre à toutes les unités du CNDP de ne pas réagir, car nos militaires étaient prêts à en découdre. Cela créa des frustrations au sein de l’organisation. Il y a eu les assassinats de certains militants très proches de Nkunda. Ce dernier aurait dû être associé au processus de paix, qui était en train d’aboutir sous son égide, et à la coalition chargée de traquer les Forces démocratiques de libération du Rwanda(FDLR). D’autant qu’il a toujours fait de l’éradication des FDLR son credo et a signé tous les accords de paix depuis 2007.
Et sa situation « judiciaire » ?
Depuis vingt-six mois, Laurent Nkunda est en résidence surveillée au Rwanda. L’opinion publique nationale et internationale aimerait bien que Kigali explique pourquoi il est détenu sans inculpation, ni jugement. On nous disait que le général était un obstacle à la paix. Mais la situation sécuritaire à l’est du pays ne s’est pas améliorée depuis son arrestation, au contraire.
Les militaires ex-CNDP sont pourtant appelés à constituer l’ossature de la traque des forces négatives.
Mais avec quels moyens ? Nous avons adressé en septembre dernier un mémorandum au chef de l’État pour dénoncer le manque de logistique des militaires, le détournement de leurs salaires et le tribalisme au sein de l’armée. Le président Kabila s’est limité à la reconnaissance des grades d’une majorité d’entre nous *.
En même temps, l’ex-CNDP a adhéré à l’Alliance de la majorité présidentielle…
Comme toujours depuis l’arrestation du général, cette décision a été prise sans consulter la base et en désaccord avec le statut du parti. Néanmoins, si cela est fait pour privilégier la paix au Congo, j’y adhère par loyauté envers mon parti…
Un dernier mot sur le sort du général Nkunda ?
Des voix s’élèvent de plus en plus sur son cas. Plusieurs analystes confirment que la réforme du secteur de la sécurité est impérative au Congo et que Nkunda peut y jouer un rôle important.
* Suite aux accords passés entre le CNDP et le gouvernement, sous l’égide de l’Onu et l’Union africaine (UA), Jean-Paul Epenge a été promu au grade de colonel au sein de l’armée.