Un point de vue « coup de gueule » de notre collaboratrice.
L’Afrique du Sud s’inquiète de « l’usage excessif de la peine de mort en Iran. » C’est ce que le vice-ministre sud-africain des Affaires étrangères, Ebrahim Ebrahim, a dit à Mohammad Javad Larijani, secrétaire général du Conseil suprême pour les droits humains, en visite, du 10 au 12 mai. Ebrahim Ebrahim a fait, notamment, référence à la condamnation à la lapidation de Sakineh Ashtiani et aux persécutions dont sont victimes les minorités religieuses, particulièrement les Baha’i. Mohammad Jawad Larijani lui a, alors, expliqué que 74 % des condamnés à mort exécutés étaient des trafiquants de drogue qui opèrent entre l’Afghanistan et l’Europe. La peine de mort pourrait être réexaminée si les Occidentaux participaient à la guerre contre le narcotrafic. « Nous pouvons fermer les yeux et laisser passer les trafiquants par l’Iran pour aller où ils veulent, et le nombre des exécutions en Iran diminuerait de 74 %. Ce serait très bon pour notre réputation », a-t-il répondu, ajoutant : « L’Iran, seule démocratie importante du Moyen-Orient, considère le développement de la démocratie et des droits humains comme un pilier de sa propre politique, nationalement et internationalement », critiquant au passage le gouvernement libyen, « qui a ignoré l’appel de son peuple à la démocratie ».
Quelle personne sensée et respectueuse des droits de l’Homme et des principes démocratiques pourrait, en toute conscience, accorder du crédit à une telle imposture ? Je n’en connais pas. Enfin, je croyais ne pas en connaître avant de lire le communiqué de presse d’ Ebrahim-Ebrahim, mon « camarade ». « Je suis heureux d’accueillir en Afrique du Sud Mohammed Javad Larijani…Nous avons eu une discussion détaillée sur la situation des droits de l’Homme en Iran et nous lui sommes reconnaissants pour les informations que nous avons reçues sur les efforts du gouvernement iranien et son Conseil sur ces questions. »
Et je me suis dit : « Que sont les camarades devenus ? » Ebrahim-Ebrahim, le grand EB, comme on le surnommait, en était un. Il fut, dès le plus jeune âge, un militant anti-apartheid dans son pays. Il fut un haut cadre de l’ANC et dirigeant d’Umkhonto-we-Sizwe, sa branche armée à la création de laquelle il a participé. Arrêté en 1963, il a passé quinze ans au bagne de Robben Island où se trouvait Nelson Mandela. Après sa libération, il est entré en clandestinité, basé au Swaziland où il est enlevé par un commando sud-africain, en 1986. Il est à nouveau condamné à vingt ans de prison. Il y eut, alors, un tollé international contre le régime fasciste et raciste. Voilà un homme qui a connu l’engagement, la clandestinité, la torture, l’incarcération dans les conditions les plus inhumaines imposées par un régime fasciste et qui, aujourd’hui remercie un Larijani de l’avoir rassuré sur le respect des droits de l’Homme en Iran…
Selon Amnesty International, le nombre d’exécutions « publiques » a fortement augmenté, particulièrement celles de délinquants mineurs dont deux ont été pendus, le 20 avril à Bandar Abbas. Dans un communiqué diffusé le 10 avril dernier, le Worker-communist Party d’Iran (Parti communiste ouvrier, les « camarades » d’EB) appelait la communauté internationale à manifester contre la peine de mort en Iran. « La République islamique d’Iran est l’un des régimes les plus barbares au monde. Sans cette oppression et les meurtres, le régime ne serait pas capable de rester un jour de plus au pouvoir », peut-on lire dans l’appel. Le 30 avril, Shirko Maarefi, un prisonnier politique kurde condamné à mort, a été transféré en cellule d’isolement après qu’on lui ait notifié son exécution imminente. Il peut être exécuté à tout moment malgré la campagne internationale pour empêcher ce crime. Le même sort attend Habib Latifi, Kurde également, arrêté au cours d’une manifestation anti-gouvernementale en octobre 2007. Et ils ne sont pas les seuls « politiques » dans cette situation.
Au moins 546 personnes (312 officiellement) ont été exécutées en 2010, dont 50 Afghans, un Nigérien et un Ghanéen, selon Iran Human Rights (IRH), association iranienne indépendante basée à Oslo et présente, également, en Iran. Selon les sources officielles, d’après le rapport 2010 d’IRH, 85 personnes ont été exécutées en janvier 2011 dont trois, au moins, condamnées pour participation aux mouvements de protestation postélectoraux en 2009. Les exécutions sont effectuées, le plus souvent, en masse à l’intérieur des prisons dans le plus grand secret. 205 exécutions n’ont pas été prises en compte par le rapport 2010 à cause des imprécisions dans les dates et les chiffres. Officiellement, effectivement, la majorité des personnes exécutées sont des trafiquants de drogue (66 %), suivi par les Moharebeh ou « ennemis de Dieu », comprendre les « politiques » (13 %), les viols (9 %), meurtres (6 %), actes immoraux ou contre la chasteté (1 %) et les enlèvements (1 %). Dans 4 % des cas, aucun chef d’inculpation n’est notifié. L’IRH précise, cependant, que les délits liés à la drogue sont jugés à huis clos par les tribunaux révolutionnaires sans aucune transparence. Zahra Bahrami, citoyenne irano-hollandaise de 46 ans, exécutée le 29 janvier dernier dans le plus grand secret, a été condamnée sous l’inculpation de « possession de 450 grammes de cocaïne et de participation à la vente de 150 grammes de cocaïne » Elle aurait, en réalité été arrêtée le 27 décembre 2009, également pendant les manifestations postélectorales. Placer de la drogue au domicile d’un opposant politique est une pratique courante en Iran. Deux autres opposants ont été exécutés la même semaine pour avoir pris part aux mêmes manifestations, accusés d’avoir des liens avec les Moudjahidines du Peuple.
Alors pourquoi le camarade EB vend-il son âme au représentant du régime fasciste iranien ? Pourquoi Larijani et sa délégation ont-ils, également, rencontré d’autres « camarades », comme Max Sisulu, président du Parlement, ancien commandant d’Umkhonto et fils du frère en armes de Nelson Mandela, Walter Sizulu, lui même père-fondateur d’Umkhonto ? Pourquoi les « camarades » déclarent-ils souhaiter « une nouvelle ère de coopération dans les secteurs judiciaire, culturel et des droits de l’Homme » avec l’Iran mis au banc de la communauté internationale pour la violation de ces mêmes droits ? Peut-être la réponse réside-t-elle dans un chiffre : 2 milliards de dollars. C’est le montant de l’accord signé fin septembre 2010 tandis que l’Afrique du Sud en voudrait quatre de plus rapidement. Et puis, l’Afrique du Sud a besoin du pétrole que lui fournit l’Iran à hauteur de 40 % tandis qu’elle chuchote à l’oreille de son partenaire des dangereux petits arrangements à propos de fourniture de « Yellow Cake » qui permettrait à la République islamique de produire de l’uranium enrichi. « Pragmatisme avant tout » semble être devenu le credo des « anciens camarades », quoi qu’il en coûte… aux autres.