Jacques Dupuydauby, condamné à vingt ans de prison par contumace au Togo, dénonce une manipulation orchestrée par son concurrent direct, Vincent Bolloré.
L'homme d'affaires franco-espagnol Jacques Dupuydauby (65 ans), ex-président du groupe portuaire Progosa, aujourd’hui à la retraite, vient d’être condamné au Togo à vingt ans de prison dans une procédure dont il affirme ne rien connaître et dont il a appris la sentence début octobre par un site internet togolais officiel, Republic of Togo. Une manipulation qu’il soupçonne avoir été orchestrée par Vincent Bolloré, son concurrent en Afrique.
Dans une interview explosive accordée au site français Mediapart, Jacques Dupuydauby, dénonce les invraisemblables pressions du président Nicolas Sarkozy sur plusieurs chefs d'Etat de l'Afrique de l'Ouest pour que l'industriel Vincent Bolloré, intime du président français, obtienne des concessions portuaires en Afrique sub-saharienne.
Pour étayer ses dires, cet ancien vice-président du groupe Bouygues et proche des réseaux chiraquiens, affirme avoir personnellement recueilli les confidences embarrassantes de plusieurs présidents africains, dont Faure Gnassingbé et Denis Sassou N'Guesso.
Sa société, Progosa, avait remporté en 2001 la concession du port de Lomé au Togo, dont elle a été chassée en 2009. C’est que, entretemps, Nicolas Sarkozy a été élu président, explique-t-t-il. « Après le sommet de Lisbonne, qui s'est tenu en 2007 sur lethème « Europe-Afrique », Faure Gnassingbé, l'actuelprésident du Togo, que je voyais tous les mois, m'asoudainement expliqué : “J'ai un gros problème.” Ausommet de Lisbonne, Sarkozy lui a en effet annoncé
que la France soutenait ses amis, dont le Togo fait partie, mais qu'en contrepartie la France attendait de ses amis qu'ils se comportent vis-à-vis d'elle de façon, disons, amicale. » Etre ami de la France, c’est donc favoriser l’ami du président, Vincent Bolloré, en déduit Dupuydauby.
L’avocat français CharlesDebbasch, condamné en France dans l'affaire Vasarely et conseiller de Faure Gnassingbé, est l’homme à tout faire de cette manipulation. Et Dupuydauby mets directement encause Sarkozy en réclamant désormais l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire sur le « système Sarkozy en Afrique ».
Au Congo, l’histoire serait la la même : « Sassou N'Guesso que je connais depuis trente ans, m'a dit : “Je suis désolé, j'aimerais bien te donner le port de Pointe Noire, mais je ne peux pas. Sarkozy met son veto.”
Progosa n'avait pas eu le Cameroun, bien qu’il eut remporté le l’appel d’offre, et il a perdu le Togo et le Gabon. « Avant l'élection de M. Sarkozy, c'était une guerre classique entre groupes industriels, précise-t-il. Et comme nous étions moins chers et au moins aussi performants, nous pouvions gagner. Le combat était équilibré politiquement, même s'il était déséquilibré financièrement, parce que Bolloré dispose de moyens de conviction que nous n'avions pas ».
Dupuydauby affirme que Chirac n’avait jamais proféré des menaces diplomatiques pour favoriser un entrepreneur ou un autre auprès de ses alliés africains. Et d’ajouter : la défense de Bolloré par le chef de l’Etat actuel n’a pas d’explications d’ordre stratégiques pour la France. Seulement le lien personnel entre le président français et Bolloré. Scellé lors de l’escapade sur le yacht de ce dernier, au lendemain de l’élection présidentielle ?