La situation actuelle de la Libye préoccupe tous les Africains en Afrique et dans le monde
La situation actuelle de la Libye préoccupe tous les Africains en Afrique et dans le monde ainsi que tous les humanistes et acteurs au niveau international attachés aux valeurs de la justice, de la paix, de la liberté, de la démocratie, de la solidarité et du respect des droits de l’homme et du droit international. Les enjeux du vingt et unième siècle sont colossaux pour l’Afrique qui est précipitée d’un même mouvement vers l’infiniment grand et l’infiniment petit par des défis majeurs de la mondialisation, du danger de l’unilatéralisation du monde et des conflits d’émergence des nouvelles puissances.
La situation de ce pays intéresse au plus haut point la diaspora africaine, 6ème région de l’Union Africaine, tant ce pays était encore le mieux placé en Afrique dans le cadre de l’indicateur de développement humain (IDH) calculé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) pour l’année 2010. En effet, la Libye vient en 53ème position et en tête de pays africains dans le rapport mondial du PNUD pour le développement humain en 2010. Il y est classé parmi les pays ayant un développement humain élevé. C’est donc un pays important pour le processus global et particulier de développement de l’Afrique. Il est aussi un pays géostratégique dans la zone méditerranéenne avec l’Europe.
- La résolution de l’ONU et le recours à la force en Libye
Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté le jeudi 17 mars 2011 une résolution autorisant le recours à la force contre les troupes du Colonel Mouammar Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes en Libye. Cette résolution autorisait de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l’armée libyenne. Cette résolution a donné lieu d’abord à des frappes des forces coalisées et ensuite à celles de l’OTAN en Libye. Mais il faut veiller et éviter que la situation s’enlise et que les forces de l’OTAN ne tombent dans le piège d’outrepasser leur mandat au terme de la résolution.
Il est impossible d’éviter, dans le contexte actuel, la mort de civils dans les deux camps du Conseil National de Transition et du gouvernement libyen. La situation est préoccupante sur le terrain et risque de se transformer en une guerre de partition de la Libye. Quelles que soient les frappes chirurgicales utilisées, il est impossible d’éviter des erreurs humaines qui débouchent sur la mort de civils. Les forces de l’OTAN n’ont pas la moindre ambition de tuer des civils libyens, mais il leur est difficile voire impossible d’éviter ces erreurs humaines avec leurs frappes. L’Union Africaine demande la cessation des frappes de l’OTAN pour donner toutes les chances aux négociations de paix et de mise sur pied d’un nouveau processus démocratique en Libye. Les intellectuels africains, notamment de la diaspora panafricaine, demandent la fin des bombardements de l’OTAN pour donner une vraie chance à la paix et à la transition réussie en Libye. Nous devrions tous éviter l’« irakisation » de la Libye qui aura comme conséquence la création d’une nouvelle grande porte du terrorisme difficile à maîtriser et à fermer. Et notamment dans la zone méditerranéenne.
- La diaspora africaine doit prendre ses responsabilités comme 6ème région de l’Union Africaine et demander d’être intégrée dans les structures de décision de l’Union
L’Union Africaine a vu juste en reconnaissant formellement la diaspora africaine comme sa 6ème région. L’Afrique a grandement besoin de sa diaspora dans son combat pour la dignité, la libération et la prospérité. La diaspora africaine doit être une lumière et une actrice clé de l’Union Africaine. Nous vivons les temps prophétiques annoncés par notre Père Simon KIMBANGU en 1921 quand il annonçait que les enfants quitteront l’Afrique pour aller vivre dans les pays de blancs (en Occident) et y seront séduits par les facilités matérielles. Certains ne reviendront plus. Mais beaucoup parmi ceux qui auront maîtrisé leurs valeurs et antivaleurs, reviendront en Afrique et ce sera le décollage tous azimuts de l’Afrique.
La situation de l’Afrique est très pressante et la diaspora africaine doit impérativement s’organiser et prendre ses responsabilités parce qu’elle vit là où se prennent les grandes décisions concernant les enjeux géostratégiques et les grands changements dans le monde. Elle doit se constituer en force unie et bien organisée pour peser sur des décisions prises au sein de l’Union Africaine et de la Communauté internationale bien identifiée et cernée. Elle ne doit pas se contenter seulement d’être la plus grande pourvoyeuse des devises des Etats africains à l’extérieur. Elle devrait devenir une voie bien écoutée de l’Union Africaine et des puissances occidentales, orientales et émergentes.
- L’Afrique devrait apporter sa contribution à la diversité politique, sociale et culturelle de l’humanité
Il est important que l’Afrique se réveille par un grand sursaut d’orgueil pour cesser de subir les injonctions des autres et proposer des modèles originaux de démocratie, de liberté, de solidarité et de respect des droits de l’homme et des peuples en harmonie avec les grandes valeurs communément acceptées à l’échelle planétaire et en particulier au niveau d’une communauté internationale bien identifiée et bien construite sur les valeurs de la justice, de la paix, de l’égalité, de la liberté, de la solidarité et de l’équilibre des intérêts bien assumés et bien partagés. L’Afrique doit assumer sa démocratie plurielle. Ce sont les peuples qui font les démocraties et ce ne sont pas les démocraties qui font les peuples.
- Les Libyens, le Gouvernement libyen et le Conseil National de Transition doivent se retrouver autour d’une table et prendre tous des décisions courageuses et difficiles pour sauver leur pays
Une fois de plus, la communauté internationale se retrouve devant un conflit armé dont les conséquences seront graves et imprévisibles, avec les pièges habituels et les conflits avérés d’intérêts. L’Union Africaine tient à une solution libyenne et africaine de la crise libyenne. Il faut donc une solution libyenne et africaine de cette crise avec l’appui des acteurs internationaux respectueux des grandes valeurs et des principes essentiels du droit international.
Une solution strictement militaire de la crise libyenne ne peut être que catastrophique et son lourd bilan sera digne d’une communauté internationale du vingtième siècle qui peine à devenir une vraie communauté internationale du vingt et unième siècle. Il devient de plus en plus évident que la solution de la crise libyenne est plus politique et moins militaire, tout en reconnaissant la nécessité de protection des populations civiles. Il faut être extrêmement prudent, car il serait ridicule de chasser le Président Kadhafi pour le remplacer par un autre Kadhafi, même s’il ne porte pas le même nom que lui. Sans une vraie solution politique, la Libye actuelle risque d’ouvrir des portes du terrorisme difficiles à maîtriser et aux conséquences qui s’annoncent lourdes.
L’inquiétude de membres de l’OTAN se comprend aisément devant la situation confuse de la Libye, un pays divisé de facto en deux parties dont une est fidèle à Kadhafi et l’autre attachée au Conseil National de Transition. Quelles stratégies adoptées face à la stratégie de bouclier humain ? Dans ce contexte, comment mener des offensives pour protéger un peuple en danger sans faire soi-même des victimes ? Le Peuple Libyen est face à ses responsabilités. Pour reprendre l’exhortation du Président Barack Obama qui souligne que c’est aux Africains de trouver des solutions aux problèmes de leur continent.
- Plaidoyer pour une vraie justice internationale fondatrice d’une communauté des hommes et des peuples, garante des valeurs communes de la démocratie, de la liberté, de la solidarité, des droits de l’homme et des peuples
Nous avons tous ensemble besoin d’une véritable justice internationale libératrice, protectrice et promotrice des grandes valeurs humaines essentielles. Nous n’avons pas besoin de l’injustice, de la complaisance et d’une justice bancale à deux vitesses ou de deux poids deux mesures à l’échelle planétaire, car nous serons tous victimes et comptables de ses conséquences pour l’avenir de l’humanité. Le troisième millénaire est le Millénaire de la Justice avec les deux premières décennies décisives du vingt et unième siècle. Les grands enjeux de l’avenir de l’humanité se jouent de là à 2020.
En 1996 et 1997 à Kinshasa en République Démocratique du Congo, nous avons annoncé que le troisième millénaire sera le Millénaire de la Justice avec deux premières décennies décisives du vingt et unième siècle. Nous avons annoncé, dans ce contexte, que deux grands phénomènes vont bouleverser l’humanité, à savoir la folie de la justice et la justice de la folie qui alimentent des actes de terrorisme dans le monde. La folie de la justice émane de ceux à qui la justice est refusée, de ceux qui recherchent désespérément la justice et la liberté ou qui sont dans la confusion, l’ignorance, la misère et le désespoir. Les pauvres, les pillés, les opprimés et certains fanatiques ignorants sont exposés à la folie de la justice. Beaucoup d’actes de terrorisme relèvent de la folie de la justice. La justice de la folie vient de ceux qui refusent la justice et la liberté aux autres, des oppresseurs, des dominateurs et exploiteurs des autres, de ceux qui n’ont pas raison, de ceux qui sont dans le fanatisme, l’obscurantisme délibéré ou la fausseté, dans l’ignorance ou/et appliquent le principe du plus fort qui a toujours raison ; l’injustice, l’impunité et un certain terrorisme sont leur justice. Beaucoup d’actes de terrorisme émanent aussi de la justice de la folie. C’est ainsi que le combat contre le terrorisme, pour être gagné, doit impérativement être un combat juste pour la justice. Nous devons tous ensemble nous mobiliser pour éviter la folie de la justice et la justice de la folie.
La justice au niveau mondial sera le nouveau baromètre de notre communauté internationale pour savoir si nous aurions réellement évolué et gagné en humanité, ou si nous aurions scandaleusement régressé et gagné en inhumanité. Nous avons toujours soutenu la création de la Cour Pénale Internationale (CPI) qui représente un espoir immense pour notre humanité. Nous devons nous investir tous pour qu’elle devienne réellement une Cour Pénale Internationale. Nous savons que cet idéal peut paraître utopique, compte tenu de gros intérêts en jeu et en conflit au niveau mondial, et des faiblesses et pièges du Système actuel des Nations Unies. Notre utopie n’est pas de l’idéalisme ridicule, mais une approche tendant à dénoncer et à annoncer : dénoncer les structures, pratiques et tendances déshumanisantes, et annoncer des structures, pratiques et tendances humanisantes.
La CPI a le défi de convaincre et d’éviter d’être considérée comme une institution qui tente de justifier son existence et sa capacité en utilisant essentiellement l’Afrique. Elle devrait éviter d’être une institution de prélèvement des échantillons africains pour s’investir dans la profondeur d’une vraie justice. Elle est toujours attendue en République Démocratique du Congo où se passe le plus grand holocauste après la seconde guerre mondiale, avec plus de 6.000.000 de morts et un nombre scandaleux des viols des enfants et des femmes, qui conduisent à un vrai fémicide. La CPI doit éviter de souffrir des faiblesses des Nations Unies. Nous évoquons la problématique de la CPI et de l’ONU dans deux de nos ouvrages intitulés « Cimetière de vivants » (Armand Mavinga Tsafunenga, L’Harmattan, 2010) et « Sombritude et Justice » (Armand Mavinga Tsafunenga, Pyramide Papyrus Presse, 2011, à paraître dans 20 jours). Il faut éviter que la CPI devienne un instrument en différé de manipulation et de domination. Les Nations Unies du XXème siècle doivent être refondées pour devenir réellement les Nations Unies des peuples du XXIème siècle, prenant en compte l’évolution du monde et les faiblesses, pièges et contradictions de nos puissances. Le Président Nicolas Sarkozy en janvier 2011 à Davos en Suisse a fait aussi un plaidoyer pour la restructuration des Nations Unies obligées de devenir les Nations Unies de notre nouveau siècle. Ou nous sauvons tous l’humanité, ou nous allons tous nous effondrer en léguant le vrai enfer à notre postérité. Il s’agit de la responsabilité de nous tous et le rôle de l’Afrique, berceau de l’humanité, n’est pas à sous-estimer. L’avenir du monde passera inévitablement par l’Afrique. Il est un devoir sacré pour l’Afrique et les Panafricains de se mettre décidément debout pour changer le monde dans le sens du bien et du bonheur social.
La guerre en Libye fait des victimes et en fera encore de part et d’autre de belligérants. On sait comment une guerre commence, mais on ne sait pas à l’avance comment elle va se terminer. Il y a déjà un nombre triste de victimes et d’innocents qui ne rêvaient que de la paix, de la liberté et du bien-être. C’est triste. Gardons une minute de silence pour toutes ces victimes africaines de conflits divers liés au processus démocratique, aux conflits géostratégiques, aux intérêts aveugles de certaines personnes et au combat pour la protection des droits de l’homme. Pour la Libye, il faudra mettre sur pied une commission d’enquête crédible et indépendante pour étayer et faire le point des circonstances et du nombre réel de victimes dans les deux camps en conflit. Après il sera question d’établir les responsabilités des uns et des autres en vue de l’établissement de la justice et du renforcement du processus de réconciliation post-conflit.
- Sortir de la personnification du pouvoir en Afrique en mettant sur place des institutions fortes, respectées et adaptées au contexte démocratique voulu par les peuples
L’Afrique doit trouver ses vraies marques et apporter la contribution attendue dans le concert des peuples et des nations, notamment en ce qui concerne le développement, la démocratie, la liberté, la solidarité et le respect scrupuleux des droits de l’homme et des peuples. La dimension culturelle est importante pour assumer notre diversité, nos différences, nos convergences voire nos oppositions.
Ainsi l’Afrique devrait promouvoir une nouvelle classe politique totalement enracinée dans la défense des intérêts de son peuple, de son pays et de son continent, sans faire du pouvoir un bien personnel avec ses proches ou ses complices. Il s’agit d’une classe politique ouverte de manière responsable aux autres dans un monde d’interdépendance où la mondialisation apporte une nouvelle donne d’espoir et d’inquiétudes.
- Regard vers l’avenir d’une nouvelle Libye
- Que la Communauté internationale bien identifiée et bien structurée, sous la supervision de l’Union Africaine, aide le Peuple Libyen à organiser un vrai référendum sur les options politiques d’une nouvelle Libye plus moderne, plus démocratique, plus libre, plus pacifique, juste, solidaire et prospère pour tous les Libyens. Que ce processus soit entouré de toutes les garanties nécessaires pour éviter que les grands acteurs actuels, à savoir le Gouvernement libyen et le Conseil National de Transition ne conduisent ce pays au chaos dans leur intransigeance.
- Le Président Kadhafi, il faut être honnête pour le reconnaître, reste encore une personnalité importante en Libye, même s’il quittait le pouvoir. Il faut éviter le piège des violences visant à le déraciner totalement par coup de baguette. Il devrait proposer ses solutions face à cette crise aux conséquences graves. Il doit prendre son courage à deux mains pour proposer des solutions difficiles au prix des sacrifices pour sauver son Peuple et son pays. L’histoire ne pourra constater que sa grandeur, son sens d’écoute et d’ouverture, et les sacrifices consentis. Nous ne devons pas sous-estimer le mémorandum de 2200 chefs de tribus Libyens (hommes et femmes) aux différents échelons qui acceptent une transition et apportent un soutien à leur Guide Kadhafi.
- Toutes les revendications démocratiques visant la liberté, le mieux-être, la justice, la promotion de la démocratie et la protection des droits de l’homme et des peuples sont normales. Toutes les revendications dans ce sens du Conseil National de Transition méritent d’être appuyées. Nous exhortons les membres de ce conseil à la grande prudence, à la cohérence et à une plus grande vision de l’avenir. La Libye devra passer obligatoirement par une réconciliation pour éviter son « irakisation ». Ils devront aussi faire des sacrifices énormes pour éviter d’hériter un jour d’un pays assis totalement sur le feu et le sang, où il sera impossible de bâtir le développement, la paix, la justice, la démocratie, la liberté et le respect des droits de l’homme. Ils ne doivent jamais oublier qu’ils sont comptables de tout le soutien qu’ils reçoivent de la part de certains acteurs clés de la communauté internationale.
Tous nos remerciements au « Mouvement Ngambo na Ngambo – Journalistes Congolais en Europe » dirigé par le journaliste LILO MIANGO qui nous a fait l’honneur de venir nous adresser aux distingués amis de la presse en notre qualité de Président d’un Groupe ad hoc des intellectuels africains de la diaspora africaine. Quand l’humanité a besoin de la paix, nous devons être là pour la lui apporter; quand l’humanité a besoin de la justice, nous devons être là pour l’exercer en sa faveur; quand l’humanité a besoin de la lumière, nous devons être là pour l’éclairer. Nous sommes tous engagés dans le défi de construire un monde plus juste, plus pacifique, plus fraternel, plus libre, solidaire, équilibré et prospère pour tous. Comme en Libye, en République Démocratique du Congo, en Afrique et partout dans le monde, demain n’est pas à attendre mais à inventer. C’est une obligation pour nous tous.
Armand MAVINGA TSAFUNENGA
Ecrivain poète, expert, enseignant, Ambassadeur de paix, Pasteur, lexicologue et chercheur en sciences sociales, Président du Groupe ad hoc des intellectuels africains de la diaspora africaine, du Centre d’études et de promotion de la culture et de la communication en Afrique (CEPROCOM), et du Mouvement pour la Paix et le Développement du Congo (MPDC), Directeur adjoint du Laboratoire d’Anthropologie de la Renaissance Africaine (LARA) à Paris
Auteur de plusieurs ouvrages dont :
- A la recherche d’un modèle de développement culturellement durable. Pour bâtir une nouvelle et vraie République Démocratique du Congo (Pyramide Papyrus presse, Paris, 2007) ;
- Narcotiques et Illusion (Pyramide Papyrus presse, Paris, 2010) ;
- Cimetière de vivants (L’Harmattan, Paris, 2010) ;
- Sombritude et Justice (Pyramide Papyrus Presse, Paris, 2011, disponible fin juillet).
Mail : mavingatsafunar@hotmail.com
Tél. : (0033) 06 20 46 00 6