Les dirigeants américains confient volontiers en privé, paraît-il, qu’en aucun cas les États-Unis ne peuvent « renoncer à l’Iran ».
On savait déjà l’importance stratégique considérable de l’Iran pour les intérêts américains dans la région ; on sait également beaucoup mieux maintenant les fantastiques intérêts économiques qu’avaient les États-Unis en Iran. Lorsque le régime du chah était près de tomber, les États-Unis ont un certain temps mis leurs espoirs en Bakhtiar, le dernier premier ministre nommé par le chah avant son départ ; mais l’expérience Bakhtiar était à l’évidence vouée à l’échec, et personne ne peut soupçonner les États-Unis d’être naïfs au point de ne pas avoir essayé, déjà à ce moment-là, de se ménager des alliances futures pour le jour, inévitable et prévisible, de l’arrivée au pouvoir de Khomeiny. […]
On sait moins que la coopération militaire entre les États-Unis et l’Iran s’était perpétuée pendant cette période. Dans un mémorandum du 16 juin 1979 adressé par le secrétariat d’État à la Défense de Washington, on lit que « l’ébullition politique et militaire qui est évidente en Iran en ce moment et qui risque de continuer à court terme met en question la capacité du gouvernement iranien à protéger correctement les informations militaires américaines classées ». […]
Bien que leurs relations avec le gouvernement provisoire aient manifestement été assez bonnes, les États-Unis envisageaient aussi ce que devait être leur action « en fonction de l’imprévisibilité des développements futurs en Iran ». Le 6 août 1979, le président des États-Unis fait savoir à son secrétaire d’État qu’il est important d’« établir des contacts avec les leaders de toutes les tendances et organisations politiques sans exception, y compris les minorités et les groupes extrémistes capables de provoquer des soulèvements contre le régime de Khomeiny ». Toujours dans ce mémorandum, le président des États-Unis souligne « la nécessité d’exploiter le climat de suspicion et de défiance qui existe entre l’Iran et ses voisins ». Il croit que l’arrêt du soutien politique à la République islamique de Khomeiny, spécialement par l’Union soviétique, « conduirait inévitablement à affaiblir les positions de politique étrangère de ce régime ». Il ajoute, enfin, « tenant compte de la nature délicate de ce genre d’opérations », qu’il ne faut pas établir de contact avec les leaders religieux et les membres de l’entourage de Khomeiny sans consultation préalable avec le directeur de la CIA. Les buts des États-Unis sont donc clairs : favoriser l’agitation intérieure, y compris par le recours aux groupes extrémistes, brouiller l’Iran avec ses voisins et spécialement l’Union soviétique. […]