«Israël a rejoint le club de l’élite des économies. L’adhésion à l’OCDE est d’une importance stratégique », a affirmé le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou le 10 mai dernier, lors d’une conférence de presse.
« Le statut d’Israël n’est considéré que sous le prisme du processus de paix, qui peut s’interrompre ou avancer selon la volonté des Palestiniens. Mais il y a un nouveau critère de jugement, à savoir le statut économique, en particulier le statut de la technologie en Israël », a-t-il ajouté.
Cette adhésion « constitue un succès historique vu qu'elle donne une légitimité à Israël comme pays (économiquement) avancé et développé », a pour sa part déclaré le ministre des Finances, Youval Steinitz. Il a relevé que l'accord d'adhésion avait été « difficile à obtenir, particulièrement dans le contexte actuel de la crise économique internationale » et qu'il était le « fruit de quatre années d'efforts ».
L’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, a succédé en 1961 à l’Organisation européenne de coopération économique. Sa création a coïncidé avec les débuts de la construction européenne. Elle est aujourd’hui le cadre de négociations structurelles entre les principaux pôles économiques mondiaux et, de ce fait, un lieu de délibération permanent sur la mondialisation. Son mandat est de promouvoir les politiques les plus adaptées pour réaliser la plus forte expansion de l’économie, de l’emploi et du commerce mondial. Ses cinq principaux champs d’intervention sont : l’économie, l’environnement, les questions sociales, l’aide au développement et l’énergie (Agence internationale de l’énergie et l’Agence pour l’énergie nucléaire).
En complète opposition avec les principes fondateurs de l’OCDE, parce qu’elle banalise un État en posture continue de violation des résolutions des Nations unies et du droit international, cette adhésion arrive au plus mauvais moment. Outre le fait d’intégrer aux statistiques de son dossier de candidature les chiffres des Territoires palestiniens occupés comme s’il s’agissait d’un même pays, cette adhésion entraîne trois autres conséquences morbides : 1) elle exonère Tel-Aviv qui refuse toujours de stopper les chantiers de ses nouvelles colonies tant à Jérusalem-Est qu’en Cisjordanie ; 2) elle respectabilise un État qui refuse toujours de signer le Traité de non-prolifération nucléaire ; 3) elle ouvre la voie à d’autres formes à venir de légitimation comme la demande israélienne de partenariat, sinon d’adhésion à l’Union européenne (UE).
Au-delà de ces différents dévoiements de la coopération multilatérale, cette adhésion scandaleuse se double d’un effet d’illusion d’optique aveuglant : laisser croire qu’un arrimage de Tel-Aviv aux économies occidentales respectables permettra de modifier les blocages politiques du conflit israélo-palestinien. Les experts appellent cette douce illusion le « syndrome grec ». En faisant adhérer la Grèce, comme d’autres pays, à l’euro sans se préoccuper des ajustements budgétaires vitaux (politiques sociales et fiscales notamment), on pensait que ces mêmes pays se transformeraient sous les seules caresses de la main invisible d’un sacro-saint marché tout-puissant. L’actuelle crise financière dit le grotesque de cette fiction et nous rappelle aux fondamentaux politiques irrépressibles de toute orientation économique.
De la même manière, les lâchetés successives de la communauté internationale visant à transformer Israël en un partenaire économique comme les autres, sans exiger en contrepartie les ajustements politiques nécessaires, finiront par une crise majeure. Les attentats terroristes de ces dix dernières années pourraient n’être que les signes avant-coureurs d’une fracture encore plus dommageable. On ne fonde pas durablement des échanges internationaux stables sur la trahison de ses principes originels – qu’on cherche, par ailleurs, à imposer à l’ensemble de la planète –, sur la négation d’un peuple, ni sur le reniement de soi-même.
PS : le tribunal Russell sur la Palestine (TRP) a tenu à Barcelone sa première session les 1er, 2 et 3 mars dernier, accueilli par le comité d’appui catalan et la mairie de Barcelone, sous la présidence d’honneur de Stéphane Hessel. Le TRP est un tribunal de conscience international citoyen qui répond à des demandes de la société civile et s’inscrit, avec le même esprit et selon les mêmes règles de rigueur, dans la lignée du tribunal sur le Vietnam (1966-1967) mis sur pied par le philosophe Bertrand Russell et du tribunal Russell II sur l’Amérique latine (1974-1976) organisé par la Fondation internationale Lelio-Basso pour le droit et la libération des peuples. Son système de référence juridique bis est celui du droit international public.
L’étudiant en sociologie franco-palestinien Salah Hamouri croupit toujours dans les geôles des Sections spéciales de l’armée israélienne.