Arrêté après sa tentative d’attentat à Times Square, à New York, Faisal Shahza a déclaré qu’il avait agi ainsi car il était en colère contre les multiples attaques par drones dont il avait été témoin pendant son récent séjour de cinq mois dans sa famille, au Pakistan.
Avant lui, les citoyens américains Najibullah Zazi, arrêté avant d’avoir posé une bombe dans le métro de New York, le major Nidal Malik Hasan, psychiatre de l’armée américaine qui a tué treize personnes à Fort Hood l’année dernière, et les cinq de Virginie, accusés d’avoir planifié des offensives contre des cibles américaines au Pakistan et en Afghanistan, ont évoqué la même raison. Des dizaines d’attaques ont été effectuées en quelques mois dans ces deux pays, tuant des centaines de civils, dont des femmes et des enfants, sous prétexte de lutte contre Al-Qaïda. Et lorsqu’un des chefs de l’organisation est touché, aucune information n’est publiée sur les victimes collatérales. Environ soixante missiles ont été tirés par des drones au Pakistan dans les quatre premiers mois de 2010 – soit quatre fois plus que sous l’ère Bush – et autant en Afghanistan, le terrain « officiel » de la guerre.
La guerre comme un jeu vidéo
C’est à partir de son quartier général à Langley, en Virginie, que la CIA dirige cette guerre aveugle, comme un jeu vidéo. En toute impunité, protégée par les nouvelles lois américaines votées à cet effet. Mais en toute illégalité, aux termes des lois internationales. En toute confidentialité, également, car la CIA est protégée par le « secret défense » dont jouit l’agence de renseignement américaine. « Les actions ciblées, y compris les opérations létales conduites avec des véhicules aériens anonymes, sont conformes à toutes les lois applicables, dont les lois concernant la guerre », déclarait en mars Harold Koh, conseiller juridique du Département d’État, ajoutant que l’administration Obama s’était engagée à respecter la « loi » dans ses opérations antiterroristes.
Ce n’est pas ce que dit le rapport public de vingt-neuf pages de Philip Alston, diligenté par le Conseil de l’Onu pour les droits de l’homme et présenté à Genève le 3 juin. Les États-Unis ne sont d’ailleurs pas les seuls cités ; Israël et la Russie utilisent également ce type d’arme dans leur « lutte contre le terrorisme », et quarante pays en disposeraient. Pour le rapporteur spécial des Nations unies, ces opérations sont tout à fait illégales et les responsables pourraient être extradés et jugés dans les pays visés. Le rapport de l’Onu exige la levée du secret sur ces opérations. Mettant à jour les pratiques de la CIA sur laquelle il n’existe pas de réel contrôle, il demande aux États-Unis un transfert des opérations drones à la Défense américaine qui, elle, doit en principe rendre compte de ses actions devant les instances élues.
Si le rapport de Philip Alston n’est qu’informatif et n’a aucune portée contraignante, il sera cependant une épine supplémentaire dans le pied du gouvernement américain qui a reçu de nombreuses protestations de la part de son homologue pakistanais concernant la violation de son espace aérien. Les Américains doivent également faire face à une colère grandissante de la population et des dirigeants afghans.