Le patriarche a lutté sa vie durant contre l’influence syrienne. Il laisse le Liban sans avoir achevé sa mission. Que fera son successeur ? Déjà, les luttes d’influence entrent en jeu.
Considéré comme un « faucon » sur la scène politique libanaise, le chef de l’Eglise maronite d’Orient est contraint de démissionner de son poste de patriarche, à l’âge de 90 ans, sur un échec. Il n’est plus considéré aujourd’hui comme le chef spirituel incontesté des Maronites, mais comme un chef de faction.
Né en 1920 avec la création par la France du Liban, grâce notamment à la diplomatie active et du lobbying d’un autre patriarche maronite pro-français, Elias Hoayek (1898– 1931), Mgr Sfeir quitte la scène politique en laissant une communauté divisée et un Liban revenu dans le giron de l’influence syrienne qu’il s’était employé, toute sa vie, à réduire.
Recevant certaines personnalités chrétiennes à Bkerké, siège du patriarcat, il a déclaré : « Nous n'avons accompli qu'une petite partie de notre devoir. Nous avons lutté, à vos côtés, pour le Liban, pour qu'il soit libre, indépendant et souverain. Mais les obstacles sont nombreux. Le Liban continue de ployer sous des poids éprouvants, et nous espérons qu'il sera libre un jour, comme l'ont voulu nos pères et comme nous le voulons. Que Dieu nous exauce et que les Libanais, au Liban et à l'étranger, continuent d'être fiers de leur patrie ! ».
« Ce que Dieu nous a inspiré de faire, nous l'avons fait, a encore dit le patriarche Sfeir, et notre successeur fera de même, c'est la vie et la loi du monde. »
Le chef du parti des Kataëb (les Phalanges), l’ancien président de la république Amine Gemayel, qui fait partie de la coalition éclatée du 14 Mars conduite par Saad Hariri, après avoir fait une visite d’adieu à Mgr. Sfeir, a été plus explicite : « Le départ du patriarche créera un grand vide dans les cœurs des fidèles », a-t-il affirmé. Le leader des Kataëb a expliqué aux journalistes avoir confié au patriarche Sfeir « sa grande peur d'un retour aux jours sombres, à l'hégémonie (syrienne), à la répression policière ; bref, une régression du Liban ».
« On dirait que l'on cherche à se venger de la révolution du Cèdre qui a réussi à obtenir le retrait syrien du Liban et à donner une nouvelle chance à la souveraineté nationale ; qui a réussi aussi à obtenir la création d'un tribunal international, qui a organisé des élections législatives et présidentielle relativement libres », a-t-il dit.
« Nous craignons pour ces acquis des cinq dernières années, a-t-il ajouté, nous craignons par-dessus tout que ce qui s'est produit, soit un retour au régime de parti unique et de pensée unique. »
La question qui se pose actuellement est : qui succèdera à ce patriarche anti-syrien qui a régné d’une main de fer sur l’Eglise maronite pendant près d’un quart de siècle ? Sera-t-il remplacé par un prélat plus conciliant ?
Prévue à partir du 8 mars, l’élection d’un nouveau patriarche pourrait donner lieu à des tensions au sein de l’Eglise maronite entre ultras et modérés.
C’est à un synode d’une quarantaine d’évêques maronites qu’incombera la tâche de lui choisir un successeur. Mais il ne fait pas de doute que le Vatican, qui prône la modération, va peser de tout son poids dans cette succession. A suivre.