La Ligue arabe n’en finit plus de décevoir, et ses dernières décisions ne vont pas la réhabiliter.
Faut-il encore accorder le moindre crédit à la Ligue des Etats arabes, une coquille vide créée en 1944 en Egypte, dépourvue de tout pouvoir de décision et dont la seule utilité est de servir de cadre à des sommets entre les chefs d’Etats et les rois arabes ? Amr Moussa, son Secrétaire général, candidat à la prochaine présidentielle égyptienne, avait déployé toute son énergie pour suspendre, en premier temps, la Libye des réunions de la Ligue, puis, en deuxième temps forcé la main aux pays arabes pour adopter une résolution appelant le Conseil de sécurité des Nations-Unies à adopter une résolution instaurant une zone d’exclusion aérienne dans le ciel libyen afin, dit-il, de « protéger les civils » dans ce pays déjà à feu et à sang. C’est cette caution « arabe » qui a servi d’alibi à la France et au Royaume-Uni pour bombarder la Libye.
Mais devant le spectacle des premiers civils libyens, victimes collatérales de ces frappes, la Ligue arabe fait semblant de retirer sa caution. Ainsi, le même Amr Moussa, qui avait assisté samedi à Paris à un sommet réunissant l'Union européenne, l'Union africaine et la Ligue arabe sur la Libye en présence de Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU pour cautionner ces frappes s’est rétracté le lendemain en estimant que ces frappes « vont au-delà de la mission réclamée par l'organisation et causent des pertes civiles. » «Ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas bombarder plus de civils», a déclaré, sans sourciller, le même Amr Moussa.
Présidentiable déclaré aux prochaines élections présidentielles en Egypte, Amr Moussa, a pensé, à tort, que cette attitude complaisante et servile vis-à-vis de l’Arabie saoudite et des monarchies du Golfe, tout comme vis-à-vis des puissances occidentales, allait lui ouvrir la voie vers la présidence. Il lui a échappé que l’Egypte a changé et que l’opinion publique désapprouve cette croisade occidentale contre un pays voisin où travaillent près d’un million d’Egyptiens. Même si cette même opinion est résolument hostile au régime ubuesque de Kadhafi.
Cela explique sans doute en partie sa reculade.
La décision de la Ligue arabe de cautionner la zone d’exclusion aérienne a été déjà ouvertement critiquée par la Syrie et l’Algérie. D'autres pays, qui l’avaient soutenue, comme la Tunisie et l’Egypte, ont fait marche arrière face à la colère de leur opinion publique.
L’Union africaine et les cinq autres pays qui s’étaient abstenus lors du vote de la résolution 1973 (La Russie, l’Inde, la Chine, le Brésil et l’Allemagne), critiquent désormais la façon dont ce mandat onusien est utilisé par Paris et Londres. La Russie a ainsi appelé la coalition internationale à cesser de recourir à la force de manière «aveugle» et de faire ainsi des victimes civiles en Libye. «Il est inadmissible d'utiliser le mandat du Conseil de sécurité (…) afin de mener à bien des objectifs qui vont clairement au-delà de ses dispositions, prévoyant uniquement des mesures pour protéger la population civile», dit le communiqué de la diplomatie russe. De même la Chine, qui s'était aussi abstenue lors du vote, regrette les bombardements de la coalition internationale, a indiqué son ministère des Affaires étrangères. «Nous espérons que la Libye pourra rétablir la stabilité aussi vite que possible et éviter de nouvelle victimes civiles liées à l'escalade d'un conflit armé», a-t-il ajouté.
Enfin l'Iran a également émis des réserves dimanche. Téhéran dit soutenir les «revendications légitimes» des Libyens face au régime de Mouammar Kadhafi, mais «doute» des réelles intentions des Occidentaux, selon le porte-parole de la diplomatie iranienne.
En Tunisie voisine, théâtre d’une révolution en décembre-janvier, la presse prononce un verdict dur contre les bombardements aériens estimant que ceux-ci pouvaient plonger le Maghreb et le Moyen-Orient dans l’instabilité.
Cette action représente «une menace pour la région», risquant d’en faire une «zone de tension et une base avancée pour les forces impérialistes», estime le journal privé Achourouk.
Le quotidien juge même que l’arrivée des Occidentaux «va souiller la bataille du peuple libyen contre la junte corrompue» de Kadhafi.
Pour le journal Essabah, cette intervention militaire est alimentée par le pétrole libyen qui aiguise les appétits occidentaux. Une analyse que partage le principal quotidien algérien El Khabar dans un éditorial intitulé «Quand le pétrole se mélange au sang libyen». «La vraie guerre est celle du pétrole. Le peuple libyen n’a rien à y faire», martèle-t-il.
Le quotidien francophone algérien El Watan moque de son côté les Occidentaux qui donnent la leçon à Kadhafi mais oublient «monarques, princes, roitelets et présidents à vie (ou à mort) qui humilient leurs peuples», en allusion à la répression de la contestation au Bahreïn et au Yémen, où l’Europe et les Etats-Unis se gardent d’intervenir.
Au Venezuela, Hugo Chavez s'est montré particulièrement offensif samedi, jugeant "irresponsable" l'intervention armée. Celle-ci constitue selon lui "une ingérence dans les affaires intérieures d'un pays".
"Nous exigeons un cessez-le-feu effectif et que l'on reprenne le chemin de la paix en Afrique du Nord", a déclaré le principal allié en Amérique Latine de Kadhafi.
?"L'action militaire des alliés contre la Libye a commencé. C'est profondément regrettable. Quelle irresponsabilité! Et derrière cela, la main des Etats-Unis et de leurs alliés européens", a encore commenté le président vénézuélien.