Une nouvelle enquête de Vanity Fair accable le royaume wahhabite
Dans un article publié dans le célèbre magazine américain Vanityfair, les journalistes Anthony Summers et Robbyn Swan auteurs d’un livre sur le même sujet, posent à nouveau la question que les Américains se posent depuis les attentats du 11 Septembre 2001 : « Les terroristes ont-ils bénéficié d’un soutien étranger ? » Dans leur enquête, ils examinent, entre autres, les liens entre l’Arabie saoudite et les hijackers dont quinze (sur 19) étaient Saoudiens. La Maison Blanche, dirigée par George W. Bush, à l’époque, a, selon eux, pris la décision d’ignorer et d’enterrer les preuves à charge. Depuis le début, l’idée que al-Qaïda n’agissait pas seule était largement partagée. « J’en sais beaucoup, avait déclaré le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, une semaine après le 9/11. Aussi clairement que je sais comment des États ont soutenu ces gens. » Interrogé plus avant par les journalistes, il avait répondu qu’il s’agissait d’un sujet sensible et qu’il n’en dirait pas plus.
Trois ans plus tard, la Commission d’enquête posait comme hypothèse, trois pays étrangers. Deux étaient des ennemis jurés des États-Unis, l’Irak et l’Iran, le troisième, un ami fidèle et de longue date, l’Arabie saoudite. La commission, in fine, concluait qu’il n’existait aucune preuve contre l’Irak et l’Iran et demandait au gouvernement américain de poursuivre l’enquête.
Cette année, en mai, les avocats des familles de victimes ont eu connaissance de nouveaux témoignages de la part de transfuges iraniens, selon lesquels le gouvernement iranien avait apporté un soutien matériel à al-Qaïda dans la préparation de l’attentat des Twin Towers. Mais aucune preuve n’est venue étayer ces témoignages. Quant à l’Arabie saoudite, la saga autour de sa responsabilité a commencé dès les conclusions du rapport de la Commission. Celle-ci, sans exonérer, dans ses conclusions, la responsabilité de la monarchie saoudienne, a fait l’objet de tensions et de pressions. En 2004, des changements de dernière minute étaient apportés au rapport. Les enquêteurs apprenaient que leur chef, Dietrich Snell, était en train de le modifier avec le directeur exécutif de la commission, Philip Zelikow, un proche de Condoleezza Rice – sa démission pour cause de conflit d’intérêt fut demandée en 2004 par les familles de victimes, et obtenue en 2006 – et de censurer des informations clef. Michael Jacobson et Rajesh De, les enquêteurs, intervinrent auprès de Snell, menacèrent de démissionner, puis trouvèrent un compromis. Leurs informations seraient maintenues en majorité dans le rapport, mais seulement sur un tiré à part caché dans les notes de fin de rapport.
Plus de sept années après le 11-Septembre, le premier secrétaire de la mission saoudienne aux Nations unies, Mohammed al-Khilewi, s’est réfugié aux États-Unis, emportant avec lui des milliers de pages de documents qui, dit-il, montraient la corruption du régime, la violation des droits humains et le soutien aux terroristes. Il envoya, en même temps, une lettre au roi Abdallah, l’appelant à « un pas vers la démocratie. » En réponse, il reçut des menaces, aucune protection ou presque des autorités américaines et le FBI refusa les documents qu’il lui avait présentés.
Pour démontrer le soutien de l’Arabie saoudite aux terroristes, Khilewi raconta un épisode de la première tentative d’attentat, en 1993, contre les Twin Towers du World Trade Center. « Un citoyen saoudien présentant un passeport diplomatique saoudien a payé Ramzi Yousef, le cerveau de l’attentat contre le World Trade Center, membre d’al-Qaïde aux Philippines ». Selon le transfuge, la relation entre l’Arabie saoudite et le terroriste était « secrète et passait par les services de renseignement saoudiens. »
Ce citoyen saoudien pourrait, selon les enquêteurs, être le beau-frère d’Oussama ben Laden, Jamal Khalifa. Il était actif aux Philippines sous l’enseigne d’une association caritative et levait des fonds pour Yousef et Khalid Sheikh Mohammed, le chef du complot du 11-Septembre.
Quand Khalifa est revenu en Arabie saoudite, en 1995, après avoir été emprisonné puis acquitté, accusé de terrorisme en Jordanie, il fut, selon le chef de la CIA, accueilli dans une limousine par « une haute autorité ». Selon un journal philippin, il s’agirait du Prince Sultan, devenu Vice-Premier ministre et ministre de la Défense et de l’Aviation, aujourd’hui Prince héritier.
En juin 1996, selon divers rapports, lors du salon international de l’armement à Paris, Euro Satory, un prince saoudien et des financiers saoudiens se sont rencontrés à l’hôtel Royal Monceau, près de l’ambassade. Il s’agissait de discuter de Ben Laden et de son avenir. Après deux attentats récents contre des cibles américaines, en Arabie saoudite, l’inquiétude commençait à poindre dans l’élite saoudienne craignant d’être la prochaine cible. Selon les services français de renseignement, il avait été décidé de contrôler Ben Laden et de le tenir à distance en le payant grassement. Selon l’ancien chef taliban du renseignement, Mohammed Khaksar, en 1998, le prince Turki, chef des services saoudiens (GID) avait conclu un accord avec Ben Laden selon lequel ce dernier n’attaquerait pas l’Arabie saoudite, moyennant quoi, l’Arabie saoudite fournirait des fonds et une aide matérielle aux taliban, ne demanderait pas l’extradition du chef terroriste et ne toucherait pas aux camps d’entraînement. Après le 11-Septembre, le prince Turki a démenti cette information. Cependant, les noms des deux princes ont été révélés par des sources officielles britanniques et américaines. Il s’agirait du prince Nayef, ministre de l’Intérieur, et du prince Sultan. Il s’agirait de « centaines de millions de dollars », de l’argent « officiel saoudien, pas le leur personnellement ».
Deux jours après l’attentat du 11 septembre, Bush recevait dans son ranch du Texas le roi Abdallah. Il était entouré de Dick Cheney et Condoleezza Rice ainsi que de Colin Powell et Laura Bush. Rien n’a filtré de cette entrevue, Bush a refusé de répondre aux questions de la presse. Les Saoudiens ont refusé, dans un premier temps, de reconnaître que les auteurs de l’attentat étaient en majorité des Saoudiens. Jusqu’en 2002, quand Nayef a reconnu la vérité. « Leurs familles ont été informés… je pense qu’ils ont agi au nom de la religion et au nom de certaines causes intéressant la nation arabe, notamment la Palestine », déclarait-il. Il accusait les « Sionistes » d’être derrière le complot. Plus tard, le prince Turki s’exprimait sur la collaboration des services saoudiens avec la CIA sur les activités d’al-Qaïda.
Selon Anthony Summers et Robbyn Swan, l’Arabie saoudite est restée longtemps un « trou noir » pour les enquêteurs américains. En 2003 et 2004, sur demande des plus hautes autorités de la Maison Blanche, la commission 11-Septembre a pu se rendre en Arabie saoudite pour interroger trois suspects déjà cités à plusieurs reprises dans l’enquête, Omar al-Bayoumi, Fahd al-Thumarairy, diplomate du ministre des Affaires islamiques, et Ossama Basnan. Dietrich Snell devait écrire dans son rapport, à propos d’al-Bayoumi : « Le témoin manque totalement de crédibilité sur tous les sujets. » La saga de l’enquête sur l’Arabie saoudite s’est poursuivie, traversant diverses péripéties, falsification de documents, disparition de rapports et complicités américaines relatées par la presse et analysées par les auteurs de l’article. Michael Isikoff, par exemple, rapportait dans le Newsweekque les informations rendues publiques par l’enquête avaient « montré des liens apparents entre les princes saoudiens de haut rang et les hijackers ». Mais le fait que des pages entières du rapport ont été censurées ne permet que des conjonctures.
Ce qui est certain, c’est que dès le début de cette affaire, et avec le rapport de la commission (qui n’a été publié qu’en 2004, les autorités américaines savaient pertinemment que l’Irak n’était en rien responsable du 11-Septembre, prétexte pour lancer la « guerre au terrorisme » et à l’invasion de l’Irak en 2003. Ce qui est certain, également, c’est que l’enquête sur l’attentat contre le World Trade Center, le 11 septembre, n’est pas terminée, dix ans plus tard, et que tout porte à croire que l’Arabie saoudite et leurs alliés américains n’ont pas les mains propres.
Pour en savoir plus (en anglais), lire la longue enquête d’Anthony Summersand Robbyn Swan https://readersupportednews.org/off-site-opinion-section/71-71/6667-did-saudi-arabia-attack-us-on-911