Tunisie Depuis vingt ans, l’agriculture et la pêche ont réalisé de jolies performances. Il s’agit désormais d’accroître leur productivité pour faire face à la concurrence européenne et réaliser l’autosuffisance alimentaire totale.
Investir dans l’agriculture et la pêche, c’est rentable. Ainsi pourrait se résumer la vaste campagne menée dans les différentes régions de Tunisie depuis l’année dernière, pour encourager les investissements privés dans ces secteurs. L’objectif visé est, en effet, d’accroître substantiellement la contribution du secteur agricole dans la formation du produit intérieur brut (PIB), ainsi que sa participation aux nouvelles créations d’emplois.
Poursuite des réformes
En la matière, le pays ne part pas de zéro. Les 516 000 agriculteurs qui travaillent des superficies évaluées à 10 millions d’hectares contribuent déjà à hauteur de 12 % au PIB et constituent quelque 18 % de la population active totale. Les investissements agricoles représentent quant à eux, selon les statistiques nationales, 10 % des investissements économiques globaux. Cinquante-sept pour cent de ces investissements agricoles sont, en outre, réalisés par des opérateurs privés. Pour la Tunisie, en pleine négociation avec l’Union européenne au sujet de la libération du commerce des produits agricoles, l’enjeu est de taille : il faut améliorer la productivité du secteur et le rendre plus compétitif afin de bien négocier le tournant de la concurrence des biens agricoles européens qui s’amorce. Et, surtout, garantir les acquis du pays sur la voie de l’autosuffisance alimentaire.
Présidant, le mois dernier, l’ouverture du 14e congrès ordinaire de la puissante Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap, organisation à vocation syndicale vieille de soixante ans), le président Ben Ali a tenu à rappeler le caractère stratégique qu’il accorde au secteur agricole : « L’invulnérabilité de notre peuple ne saurait être garantie que si notre nourriture est principalement assurée par notre terre et que notre autosuffisance alimentaire en est l’expression. Il ne saurait être question, pour nous, de réaliser un développement durable sans une agriculture évoluée et prospère, en mesure d’assurer à notre peuple un minimum de denrées alimentaires de base. »
Plusieurs réformes ont été initiées par le chef de l’État pour relever le niveau du secteur et l’adapter aux mutations. Des mécanismes nouveaux ont été mis en place, de même que diverses incitations afin d’intéresser davantage de Tunisiens à l’investissement agricole. Ben Ali a rappelé quelques-uns des résultats obtenus : l’accroissement, au cours des dernières années, des récoltes de denrées alimentaires de base comme les céréales, l’huile d’olive, les laitages et les légumes, la progression continue de la production agricole à un rythme de 50 % en moyenne depuis deux décennies, un taux de couverture annuel moyen de 94 % de la balance commerciale alimentaire au cours du dernier quinquennat.
Bien que largement encourageants, ces résultats sont perfectibles, le potentiel qu’offrent l’agriculture et la pêche restant encore sous-exploité. En vue de franchir des paliers supérieurs, le chef de l’État a annoncé la poursuite de la mise à niveau en cours, ainsi que de nouvelles mesures. L’encouragement aux regroupements entre agriculteurs devrait aider à résoudre la question souvent posée, ces précédentes années, du morcellement des terres agricoles entre petits exploitants (80 % des agriculteurs sont rangés dans la catégorie des petits agriculteurs avec de parcelles inférieures à 5 hectares), du fait, entre autres, de litiges liés aux droits successoraux entre ayants droit.
Un accent particulier est désormais mis sur la modernisation des méthodes culturales, avec « des mécanismes d’accompagnement des agriculteurs, dont des techniciens et chercheurs de haute compétence auront la charge, en vue d’intégrer les nouvelles techniques dans le secteur de la production et de les adapter aux caractéristiques climatiques et naturelles » du pays.
Ben Ali a aussi appelé à mettre en place « un programme national d’encadrement technique direct des exploitations agricoles par des équipes techniques mixtes comprenant des représentants des structures de recherche, de l’administration et de l’organisation agricole ». Les structures professionnelles verront leurs prérogatives élargies afin d’améliorer la célérité de leurs prestations et mettre en œuvre, sur le plan pratique, les incitations et avantages divers régulièrement accordés aux agriculteurs.
Place aux jeunes
Autre question clé lorsqu’on aborde l’avenir du secteur agricole en Tunisie : celle du rajeunissement des producteurs. Si les jeunes avaient tendance à délaisser l’agriculture et de la pêche au profit d’autres, ils n’ont plus de raisons valables de le faire, vu la panoplie de mesures incitatives qui leur sont destinées et la rentabilité démontrée des investissements dans le secteur. Celui-ci a fourni un quart au moins des nouveaux emplois dans les années 1990. Il en a créé deux fois plus par unité de PIB que l’économie dans son ensemble, selon une étude de la Banque mondiale. Il reste donc un bon filon pour le travail des jeunes, notamment l’auto-emploi.
Dans l’immédiat, un programme va démarrer pour assurer l’emploi de 300 responsables de différentes spécialités par les sociétés mutuelles et les groupements de développement agricole, afin d’appuyer l’encadrement des agriculteurs et des éleveurs. Des incitations additionnelles seront prises au profit des jeunes promoteurs du secteur et marins-pêcheurs diplômés du supérieur, qui bénéficieront d’une prime mensuelle supportée par le Fonds national de l’emploi durant la première année du projet. Les plafonds des crédits octroyés aux petits et moyens promoteurs de projets d’agriculture, d’élevage et de pêche seront augmentés de 50 % en fonction des coûts des projets.
La solidarité n’est, en effet jamais loin. Pour aider les agriculteurs à faire face à l’endettement – essentiellement provoqué par les difficultés à rembourser les crédits octroyés pour l’achat de l’eau nécessaire afin d’irriguer leurs exploitations lorsque les conditions climatiques affectent les rendements –, l’État octroie régulièrement des soutiens. Et notamment par le biais de son programme d’aides en nature à environ 200 000 petits et moyens éleveurs des régions du Centre et du Sud touchées par le déficit pluviométrique.