Les Européens et les Américains, ainsi que la Ligne arabe, se concertent sur la conduite diplomatique à tenir vis-à-vis de la Libye. Le colonel Kadhafi envoie des émissaires.
Le colonel Mouammar Kadhafi offre une prime de 400 000 dollars pour la tête du président du Conseil national de transition, son ancien ministre de la justice, Mustapha Abel Jalil, qui supervise l’insurrection depuis Benghazi, deuxième ville du pays et foyer du soulèvement, entré désormais dans sa quatrième semaine.
M. Abdel Jalil, à la tête d’un Conseil de trente membres, a de nouveau appelé la communauté internationale de venir au secours du peuple libyen, qui subit depuis plusieurs jours des bombardements ininterrompus à l’arme lourde et par air par les troupes fidèles de Kadhafi, notamment à Zaouiya – à la frontière tunisienne – et Ras Lanouf , plus à l’est. Il s’agit de deux positions stratégiques, qui commandent la production et l’exportation du pétrole et des produits pétrolier de raffinage. « Si la communauté internationale n’intervient pas, Kadhafi va anéantir notre peuple », a déclaré M. Abdel Jalil à la presse allemande.
Selon des médecins interrogés par des journalistes sur place, Zaouiya, pilonnée à l’arme lourde, compte plus de quatre cents morts et plusieurs centaines de blessés depuis le début des affrontements. La ville assiégée par les chars des unités spéciales, continue à résister. Les troupes régulières ne parviennent pas à s’y installer durablement.
Ras Lanouf, toujours tenue par les rebelles, a subi pour sa part plusieurs raids aériens dans la journée de mercredi 9 mars, qui ont atteint des installations pétrolières proches de la ville et désorganisé les rangs des insurgés. Mais ces derniers se sont à nouveau regroupés après les raids et continuent à contrôler les entrées de ce port pétrolier, d’une importance stratégique capitale.
D’autres raids aériens ont visé les villes de Sedra, éloignée de quelques dizaines de kilomètres.
La production libyenne de brut a chuté de deux tiers, à 500 000 barils par jour depuis le début de l’insurrection.
Le « Guide de la révolution », de plus en plus isolé sur la scène internationale, tente aussi de reprendre la main. Il a envoyé des émissaires à Lisbonne pour tenter de peser sur la réunion que les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne (UE) doivent tenir vendredi 11 mars sur la situation en Libye.
Il a aussi dépêché un émissaire pour prendre contact avec la Ligue arabe, qui se réunit samedi 12 mars sur la situation en Libye. Il lui demande l’annulation de sa décision de suspendre la participation de Tripoli à ses réunions. Un émissaire doit prendre langue avec le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) d'Egypte. La Libye abritait, avant l’insurrection, un million et demi de travailleurs émigrés égyptiens, dont une grande partie a quitté le pays.
Le président français Nicolas Sarkozy doit recevoir de son côté deux émissaires des insurgés du Conseil national de transition libyen – dont l’ancien ambassadeur en Inde, qui a été le premier à faire défection, entraînant à sa suite une partie importante des représentants libyens à l’étranger. Ils seront les premiers à être reçus par un membre influent du Conseil de sécurité de l’ONU, disposant du droit de vote.
Paris tente, avec l’appui de Londres, de faire adopter par ce conseil une résolution établissant une zone d’exclusion au dessus de la Libye, afin d’empêcher les forces régulières de bombarder la population civile. Russes et Chinois sont opposés à cette résolution, tandis que les Etats-Unis la soutiennent du bout des lèvres.
Des sénateurs américains ont de nouveau émis des doutes mercredi 9 mars sur l’efficacité d’une telle mesure et affirmé qu’ils n’avaient pas d’interlocuteurs sur place pour coordonner avec eux une intervention.
A la veille des concertations des Occidentaux à Bruxelles au sein de l’OTAN et de l’UE sur une politique commune, Catherine Ashton, responsable de la politique étrangère européenne, a renvoyé la reconnaissance éventuelle du Conseil national libyen à une décision des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE.
Poursuivant sa campagne médiatique, Kadhafi a expliqué à des journaux étrangers que si Al Qaeda s’emparait de la Libye, « la région entière, jusqu’en Israël, serait livré au chaos ». Cet appel du pied à Israël est inhabituel dans la bouche du « Guide de la Révolution », qui s’est toujours placé dans le "camp de la fermeté" contre cet Etat.
Kadhafi a de nouveau affirmé que les puissances étrangères voulaient « prendre le pétrole libyen » et promis qu’il ne quitterait pas le pouvoir, malgré les informations de plus en insistantes sur sa volonté de négocier un exil garanti pour lui-même et sa famille.
Le Conseil national de transition a accepté de l'exonérer d'éventuelles poursuites pénales s'il se décidait à se retirer du pouvoir et de quitter le pays dans les prochains jours.