Interviewé par un quotidien français, le colonel Mouammar Kadhafi menace les Occidentaux de voir arriver, outre les terroristes d’al-Qaeda, des centaines de milliers d’immigrés clandestins.
Le « Guide de la Révolution » libyenne Mouammar Kadhafi, confronté à une insurrection générale dans son pays, a repris à son compte l’épouvantail d’Al Qaeda, largement utilisé par les régimes autoritaires avant la vague de soulèvements arabes, pour différer les réformes démocratiques, se présentant alors comme autant de remparts contre l’islamisme menaçant l’Europe.
Dans un entretien accordé au journal français le Journal du dimanche (JDD), le colonel Kadhafi a par ailleurs menacé l’Europe d’une immigration massive. « Des milliers de gens vont envahir l’Europe depuis la Libye, car il n’y aura plus personne pour les arrêter. Vous aurez Ben Laden à vos portes. Il y aura un djihad islamique en face de vous, en Méditerranée. Ils attaqueront la VIe flotte américaine, il y aura des actes de piraterie ici, à vos portes », a menacé le colonel Kadhafi, décrivant une situation chaotique si son régime venait à tomber.
Le « Guide de la Révolution » a de nouveau accusé Al Qaeda d’avoir « réactivé ses cellules dormantes » en Libye et de manipuler de jeunes insurgés en leur fournissant de la drogue. « Ces jeunes ont pris goût à ces pilules hallucinogènes » distribuées par des hommes d'Al-Qaeda « venus d’Irak, d’Afghanistan ou même d’Algérie ».
« Nous vous avons beaucoup aidé ces dernières années. Alors pourquoi, lorsque nous sommes dans un combat contre le terrorisme ici, en Libye, on ne vient pas nous aider en retour », s’est-il interrogé.
La Libye a passé un accord avec l’Italie, notamment pour retenir les immigrants clandestins venus d’Afrique subsaharienne. Elle réclame, pour assurer ce « service », 5 milliards d’euros par an. Aux premiers jours de l’insurrection, plusieurs centaines de milliers d’Africains attendaient dans des camps de rétention d’être rapatriés ou de fuir pour se rendre en Europe par leurs propres moyens. L’Italie craint un déferlement de 200 000 à 500 000 clandestins africains sur ses côtes dans les prochaines semaines. Selon des témoins, les résidents africains de Libye se terrent actuellement chez eux, de crainte d'être pris pour cibles.
Sur le terrain, les insurgés continuent à contrôler la ville stratégique de Zaouiya, soumise depuis deux jours à d’intenses bombardements à l’arme lourde. Selon un médecin contacté par Al Jazeera, la population « a subi un massacre » de la part des troupes fidèles au régime. On compterait plusieurs dizaines de morts et de blessés dans cette ville qui abrite la plus grande raffinerie de pétrole du pays et constitue un verrou sur la route de la capitale, Tripoli.
Les insurgés ont par ailleurs démenti catégoriquement dimanche des informations diffusées par la télévision publique, selon lesquelles les forces loyalistes auraient repris le contrôle de Misrata (ouest), Ras Lanouf et Tobrouk (est). Ils ont en revanche affirmé que plusieurs milliers de volontaires se préparaient à quitter Benghazi (est), foyer de l'insurrection, pour renforcer les effectifs des rebelles progressant le long du littoral vers Tripoli. Ils étaient samedi à Ben Jawad (100 km de Syrte, ville natale de Kadhafi), survolé par intermittence par des avions pro-Kadhafi.
Le Conseil national transitoire, créé par les représentants de l'insurrection, s'est déclaré « seul représentant légitime de la Libye » et demandé à la communauté internationale de le reconnaître officiellement. Il réclame aussi l’instauration d’une « zone d’exclusion aérienne » au dessus de la Libye. Présidé par le ministre dissident de la Justice Moustapha Abdeljalil, ce Conseil a chargé des affaires militaires Omar al-Hariri, membre dissident du groupe des « officiers libres » qui avait renversé la monarchie en 1969, confié les Affaires étrangères à Ali Abdelaziz al-Issaoui, ambassadeur démissionnaire en Inde, ancien ministre de l'Économie et désigné Mahmoud Jibril Ibrahim al-Wourfalli à la tête d'une « équipe exécutive pour gérer la crise ».